Texte de May Bouhada, mise en scène de Mylène Bonnet, avec May Bouhada et Frédérique Michel.
Inspirée par la vie et l'oeuvre de l'artiste-peintre mexicaine Frida Khalo, May Bouhada, auteure, réalisatrice, comédienne et metteuse en scène, a conçu une singulière et excellente partition poético-théâtrale qui ne s'inscrit pas dans le registre du biopic.
Ainsi, "Frida Khalo - Petit Cerf" ressort à l'évocation qui, à partir d'un tableau et d'une diffraction poétique entre la femme, dont le destin est lié au terrible accident qui l'a réduite à un corps mutilé et souffrant mais a également été l'initiateur de son parcours artistique, et l'artiste, explore le fondement et la transcendance de l'acte de création.
Cette pièce aux belles qualités littéraires, qu'elle qualifie de fable et qui invite à une immersion fantasmatique dans le mystère d'une âme, est ordonnée autour d'une oeuvre tardive de Frida Khalo, un de ses autoportraits qui s'avère atypique au regard de sa production dans ce genre pictural qui constituait son registre de prédilection.
En effet, "Le Cerf blessé" constitue une représentation zoomorphique de l'artiste-martyr sous forme d'un cerf blessé, transpercé de neuf flèches, au milieu d'une clairière d'arbres morts dont ne subsiste que quelques rameaux de feuilles au sol, avec une trouée sur un orageux horizon maritime mais encore debout et un visage qui semble exprimer une sérénité résignée.
Sous la plume de May Bouhada, l'animal de ce tableau symbolique, qui retrace l'état physique et mental de Krida Khalo à l'issue d'une de ses nombreuses opérations, est "féminisé" en biche et érigé en anima chamanique, ce qui se combine judicieusement avec son ascendance indienne, et évoque également le culte des cervidés célestes.
La créature emblématique, vient alors dialoguer avec l'artiste au seuil de sa mort pour ce passage qui scelle l'immortalité de son oeuvre dont elle devient l'ambassadeur.
Sous la direction avertie de Mylène Bonnet, qui indique avoir placé sa mise en scène sous le signe de la transposition théâtrale du pas de deux chorégraphique, le duo de comédiennes fonctionne dans la synergie et la choralité. May Bouhada incarne avec passion et violence la femme douloureuse et transgressive.
Comédienne et paysagiste, association insolite, Frédérique Michel, signe une scénographie réfléchie mettant en résonance le lit de douleur, en l'espèce une chaise longue de jardin en osier tressé, et l'univers sylvestre avec un arbre mort suspendu au dessus d'un lacis de cordages en guise de racines, élément également signifiant pour Frida Khalo. Egalement, au jeu dans le rôle de la biche, (ré)incarnation de Frida la velue, elle est magnifique. |