Comédie dramatique de Rémi De Vos, mise en scène de Serge Lipszyc, avec Julianne Corre et Lionel Muzin.
Pour son opus "Occident", son auteur, le dramaturge français Rémi De Vos, indique qu'il montre "un couple monstrueux et comique" lié par "un jeu (de mots), une danse (de mort) et un rituel (intime)".
Souvent à l'affiche car, outre sa déclinaison possible dans différents registres dramatiques, elle constitue une formidable pièce à jouer pour deux comédiens, cette pièce noire dissèque le mécanisme d'un huis-clos conjugal sur fond de racisme ordinaire.
En effet, elle met aux prises, dans une malestromique scène de ménage, inlassablement réitérée sur le mode de la variation musicale, un mari alcoolique confronté au vide existentiel et à sa double impuissance, sexuelle et littéraire, et, de surcroît, raciste par cette haine de l'autre qui est haine de soi, et son épouse-miroir agonie d'injures qui, hors de toute attitude victimaire, contribue à sa fustigation.
Pour mettre en scène cette partition corrosive et jubilatoire aux dialogues violents et triviaux, Serge Lipszyc a opté pour un parti-pris formel atypique qui se dispense de l'attendu registre tant du réalisme que du psychologisme.
De plus, il l'extrait de l'usité ancrage prolétaire reposant sur l'anecdotisme de la beaufitude des HLM et de la violence naturaliste, ce qui est, au demeurant, signifié in limine par un choix de costumes - robe de cocktail pour la femme, tenue casual wear bourgeois pour l'homme - presque anachronique avec le langage vulgaire des personnages.
Dans sa note d'intention analysant l'écriture de Rémi De Vos comme une langue désincarnée qui ressort au tragique, Serge Lipszyc opte donc pour un angle de vue non démonstratif qui permet de (ré)entendre parfaitement le texte tant dans ses implications que dans sa composition glassienne.
Et il négocie efficacement la rupture qui précède un inattendu dénouement en assurant la direction d'acteur au cordeau de deux comédiens qui remplissent parfaitement ce cahier des charges et s'avèrent tous deux émérites.
L'interprétation de l'homme à la dérive par Lionel Muzin est remarquable tout comme celle de Julianne Corre en femme endurante, marathonnienne doublée d'un toréador qui, le moment venu, sait porter l'estocade qui constituera, peut-être, un salvateur électro-choc. |