Dédiée aux arts singuliers, la Halle Saint Pierre présente avec "HEY! Modern art & Pop culture Act III" le dernier opus d'une trilogie consacrée aux arts outsiders dont le commissariat est assuré par Anne et Julien, fondateur de la revue-objet HEY!, créée en 2010, qui s'est imposée dans le domaine de l’art plastique underground actuel.
En 2011, embrassant six décades de création alternative, "Part I" proposait un voyage spacio-temporel au coeur des cultures alternatives qui commençait avec les "pionniers" qui, hors des académismes, des modernités et des avant-gardes, et surtout de la posture d'artiste, ont révélé l'existence de "l'art des fous".
L'année suivante, conçu comme un cabinet de curiosités transversal avec les oeuvres d'artistes notoires que les commissaires qualifiaient de "pollen de la création culturelle" en raison de leur qualité de défricheurs et d'initiateurs des mouvements contemporains, "Part II", cernait la nébuleuse de la culture underground caractérisée par son syncrétisme tant stylistique que thématique inscrit dans la tradition magico-réaliste.
HEY! Modern art & Pop culture Act III - Les nouveaux territoires
de l'art
"Part III" boucle le cycle avec, certes la présence de quelques figures devenues tutélaires, mais essentiellement les oeuvres des artistes émergents nés après 1970 et formés aux beaux-arts ou aux arts plastiques qui s'inscrivent dans une démarche artistique professionnelle, et pour la plupart exposés pour la première fois en France, qui permettent une exploration des nouveaux territoires de l'art, ceux qui, selon le propos des commissaires, se dérobent à une relation au monde rationaliste et unidimensionnelle.
Et point de parcours imposé ou suggéré, ni appariement thématique ou stylistique, ni de cartels didactiques, uniquement une courte biographie des artistes. Au visiteur d'orienter sa déambulation, au sein des deux niveaux ouverts de monstration, en fonction de son ressenti immédiat.
Deux constantes d'évidence. La très grande qualité esthétique des oeuvres, pour l'essentiel, picturales et le registre figuratif. En effet, il ne s'agit ni d'art social ni d'art abstrait mais d'un art pour lequel l'homme est au coeur de la création. Une création ancrée dans la célébration de l'imaginaire et l'exploration de mythologies personnelles.
Bien que la synthèse soit, en conséquence, ardue, deux thématiques génériques récurrent se dégagent. En premier lieu, celle du memento mori, avec ce qu'elle implique de morbidité, et qui ressort à la vanité et au détournement profane de l'iconographie religieuse.
Ainsi en est-il, entre autres avec les crânes sculptés dans la nacre de grands coquillages de Grégory Halili, les bustes janusiens de Hervé Bonhert, les corps desséchés de Ludovic Levasseur, évoquant tant les poupées de Hans Bellmer que les momies des catacombes ou les portraits à tête de mort de Derek Nobbs.
Ensuite, celle de la métamorphose entendue de manière polysémique avec les corps mutants de Choi Xooang et ceux de Gabriel Grun ou les visages baconiens de Christian Rex Van Minnen.
Autre déclinaison métamorphique, l''hybridation aussi étrange qu'inquiétante de l'homme et de l'animal, des portraits avec implants faciaux de plumes de Steven Kenny au bébés-animaux en porcelaine de Bian Yu-Pei et aux enfants plume de Lucy Glendinning.
Un autre constat s'impose celui de la vivacité et de l'éclectisme de la création asiatique contemporaine et la découverte de certains de leurs ainés qui revisitent l'art de l'estampe, les pulp de Namio Harukawa avec ses dominatrices callipyges ou les "Lauhing Stones" de Hirotoshi Ito.
A ne pas rater deux séries d'oeuvres "lumineuses" : une rareté avec les "Diableries", vues stéréoscopiques datant du 19ème siècle et les extraordinaires boîtes de Albert Sallé, petits théâtres animés réalisés dans les années 1960 des petits meubles ou des bonbonnes de verre.
S'impose l'acquisition du catalogue pour appréhender l'univers des artistes notamment à l'aune des réponses qu'ils apportent au questionnaire de Proust. |