"La nature, les chants d’oiseaux ! Ce sont mes passions. Ce sont aussi mes refuges… que faire, sinon retrouver son visage oublié quelque part dans la forêt, dans les champs, dans la montagne, au fond de la mer, au milieu des oiseaux ? C’est là que réside pour moi la musique" Olivier Messiaen
Au printemps de l’année 1952, par l’entremise de son éditeur, Gilbert Leduc, Olivier Messiaen prend contact avec l’ornithologue Jacques Delamain qui l’invite à "La Branderaie de Gardépée", sa propriété dans les Charentes. Là, il commence la rédaction de ce qui seront près de 300 carnets d’évocations, de retranscriptions des chants d’oiseaux d’abord en France puis au gré de voyages dans le monde entier. Entre 1956 et 1958 notamment, il rédigera l’immense ouvrage pour piano Le Catalogue d’oiseaux, geste musical irrémédiablement essentiel et composition absolument splendide.
Les voyages, les chants d’oiseaux ("Birds Part I et II", "Pipornithology Part I et II"), la transcription du réel font également échos aux derniers travaux de Christophe Chassol. Du son, du phrasé de la vie, le jeune musicien Français en fait des lignes mélodiques, puis il construit autour une structure harmonique, rythmique, un contrepoint, presque son esthétique (il faut écouter X-pianos et ses nombreuses musiques de films pour en voir toute l’étendue), cette fameuse harmonisation du réel qu’il appelle ultrascore.
Parti sur les traces de ses racines en Martinique (après avoir fait un tour en Inde et à la Nouvelle-Orléans), il en capture la musicalité, les saveurs auditives de la population et de la faune, Il retrouve la mélodie, les sonorités les rythmiques, de la langue créole. En résulte Big Sun, Sun parce que "c’est du soleil dont dépendent le son de la terre, le chant des oiseaux, la musique que l’on joue, la langue que l’on parle et ce que l’on forge", hymne à la vie, presque symphonie divisée en trois parties, en trois suites aux richesses harmoniques et mélodiques différentes, traversées par le rythme presque ligne directrice que l’on retrouve des oiseaux au carnaval.
Symphonie entre la liberté et la science du jazz ("Mario" dans un esprit proche de Yusef Lateef), la pop (un peu), les musiques du monde et la musique contemporaine (Terry Riley, Hermeto Pascoal mais pas que…). La musique de Christophe Chassol pourrait rejoindre un autre titre de Messiaen, La Turangalîla-Symphonie, Turangalîla signifiant en sanscrit "rythme, joie, amour", mais également certaines partitions de Bartok, Kodaly, Janequin ou Jean-Léon Pallandre.
Transposer, harmoniser, développer et réécrire ces mélodies engendre une nouvelle musique, propre à son compositeur. En effet, presque à l’inverse de la musique concrète, en tout cas dans la définition qu’en donne l’éminent Michel Chion comme "art des sons fixés", Chassol réinvente grâce à l'intégrité de son style harmonique (enchaînement d’accords facilement reconnaissables) et mélodique comme de la singularité, le côté unique, de son esthétique (l’ultrascore donc) une sorte de poème symphonique moderne, une nouvelle ethnomusicologie poétique et sensible. Un pouvoir émotionnel grâce à l’action qu’exercent les timbres, les registres, les intervalles, les couleurs harmoniques, les sons.
Christophe Chassol, en allant à l’encontre d’une conception abstraite et purement intellectuelle de la musique mais en gardant un côté très savant, fait donc mentir Stravinsky et sa célèbre réflexion : "la musique, par son essence, est impuissante à exprimer quoi que ce soit". Rythme, joie et amour oui !
Le printemps, les giboulées de mars, les balades au soleil ... la vie presque parfaite s'il n'y avait pas tant de méchants qui font la guerre. Pour se détendre, cultivons nous !. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.