Comédie dramatique de Mahin Sadrié, mise en scène de Afsâneh Mâhian, avec Sétâreh Eskandar, Elhâm Kordâ et Bârân Kosari.
Le Théâtre des Abbesses accueille un spectacle iranien dont la forme, sinon le fond du propos, peut déconcerter à l'instar de "Timeloss" écrit et mise en scène par Amir Reza Koohestani présentée au Théâtre de la Bastille en 2014.
En effet, soumis à la censure qui s'exerce par voie de l'autorisation préalable qui impose de rester en phase avec la conjoncture sociétale et le dogme d'une république islamique et de ne pas heurter les sensibilités existantes, les spectacles iraniens comportent un sous-texte et un langage scénique codés qui leur permettent d'aborder de manière détournée des thèmes sensibles dans leur typicité nationale. Ce qui, à défaut de vademecum, n'est pas intuitivement déchiffrable par le spectateur français.
En l'espèce, dans "Chaque jour un peu plus", cette difficulté est moindre dès lors que la situation dramatique évoquée dans les trois monologues qui composent la partition écrite par Mahin Sadri ressort à la condition féminine et traite de situations archétypales qui sont celles de la femme inféodée au patriarcat, de la maîtresse "back street" et de la femme militant pour sa liberté et son indépendance.
Dès lors, le rapprochement s'impose naturellement avec la situation des femmes dans les sociétés occidentales conservatrices et puritaines du 19ème siècle et leur déclinaison iranienne paraît anecdotique même si elle est contemporaine et ne revêt un intérêt que par son corollaire qui tient à la contestation d'un état de fait.
Sur scène, dans un décor hightetch de Manouchehr Shojâ, une rutilante cuisine avec ilôts fonctionnels style "atelier des chefs", et la mise en scène de Afsâneh Mâhian de trois silhouettes noires, vêtues à l'identique d'une modeste robe longue et voilées, s'activent aux fourneaux tout en racontant leur vie qui déterminée par la figure masculine.
Et là, c'est le jeu hétérogène des comédiennes qui surprend, sans doute option de mise en scène et signification occulte. Si celui de Sétâreh Eskandari est naturel, Bârân Kosari adopte un débit à la mitraillette qui la conduit à l'apnée. Quant à Elhâm Kordâ, ses mimiques et sa voix vocalisante évoquent la gestuelle et le jeu appuyé des acteurs indiens.