"Si tu crois que là-bas, si tu crois qu’il y a mieux pour toi, va.
S’il t’en coûte, de voir une route, sans l’emprunter, va."
Automne 1988. Un dimanche d’automne brumeux sur une côte bretonne. Le jeune homme marche à vive allure, se bat contre le vent. Quiberon est encore loin et s’il veut être rentré avant la nuit, il faut qu’il augmente le tempo. Une silhouette passe. Le jeune homme essaie de mettre de l’ordre dans ses idées. Dans deux mois, il aura 18 ans. Même si l’idée ne le rebute pas complètement, il ne se voit pas vraiment pêcheur à bord d’un chalutier. Il sent qu’il a des choses à dire mais ne sait pas encore comment. Il sait qu’une autre vie l’attend ailleurs, mais n’a aucune idée de la direction à suivre. Et la pluie fine qui tombe depuis quelques minutes commence à lui glacer les os.
Bertrand ne se doute pas encore que, dans un an à peine, il sera à Paris et qu’un nouveau monde s’ouvrira à lui. Qu’une longue route semée d’embûches le conduira 27 ans plus tard à Sheffield, de l’autre coté de la Manche, pour y enregistrer Cap Waller, en hommage à un ancien mentor, le chanteur-guitariste folk Hugh Waller.
Le disque aux harmonies dépouillées offre une belle place, et c’est tant mieux, à la batterie de Tatiana Mladenovitch (allez jeter une oreille à son projet solo Fiodor Novski), une batterie sèche et minimale, qui rythme le disque du début à la fin. On saluera également les apports subtils de Thibault Frisoni, qui lui aussi accompagne Belin depuis longtemps, aux claviers, à la guitare ou à la basse.
Avec ce disque, Bertrand Belin donne l’impression d’arriver à se renouveler en continuant néanmoins à creuser la même terre. Dans la continuité de Hypernuit et de Parcs, l’album Cap Waller se fait encore plus radical dans l’épure, dans la recherche de nouvelles voies à explorer pour faire de la chanson française.
La grande difficulté avec les morceaux en français, c’est que le sens des mots nous saute parfois au visage nous empêchant une écoute purement musicale. Certains choisissent d’écrire en anglais, pour que ce sens soit moins frontal, plus en toile de fond. L’écriture de Belin, elle, est suffisamment poétique, pour que la langue française se fonde au sein de la musique, sans prendre toute la place. On est dans l’épure, dans la suggestion, dans la sensation. Quand on lui dit à la radio : "Je ne comprends pas ce que vous racontez…", il répond tout simplement : "Ce n’est pas nécessaire" et ajoute : "On ne comprend pas la musique en permanence. On la ressent". Avec Belin, les mots et les notes se retrouvent au même plan.
Bertrand Belin sort son cinquième album sur le label Cinq7, division de Wagram, qui compte dans ses rangs d’autres expérimentateurs de la scène française : The Do, Babx, Albin de la Simone, Dominique A, ou encore le fascinant Rover.
Il est en tournée dans toute la France cette année, profitez-en pour découvrir que l’élégance de ses disques est à la hauteur de son charisme sur scène. Pour ma part, ce sera à Lyon, au Marché Gare, le 11 décembre et cerise sur le gâteau breton, il y aura Sombre en première partie, que j’affectionne tout particulièrement. "Folle, folle, folle".
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