Comme une guerre froide
(Médiapop Records) octobre 2015
Tuscaloosa est un groupe culte. Le groupe Français aurait très bien pu disparaître dans les limbes de l’histoire du rock. Contre toute attente, Tuscaloosa est toujours vivant, toujours "cinématographique, lunatique, épidermique et sémantique mais jamais cynique".
Tuscaloosa est un groupe culte donc. Le groupe Lorrain est apparu dans les années 90 entre Longwy et Nancy, au milieu des friches industrielles mortes et désertées où le sang des ouvriers irriguera la terre encore sur des générations. Ces "guerriers noirs" (en hommage aux gueules noirs ?) sont nés des cendres de Garbage Collector, groupe mythique tombé dans l’oubli, qui n’avait au compteur qu'un seul album : 1988 et un EP, mélange de noise, de musique industrielle, de hip-hop et de post-punk, mais élément moteur et précurseur pour ce qui deviendra la scène noise Française du début des années 90.
Tuscaloosa sort un EP en 1997 pour le label Lithium. Si Garbage Collector était presque trop en avance sur son temps, Tuscaloosa arrive quant à lui trop tard. Lithium disparaît et le groupe avec. Silence radio, perdu pour la musique. Ou presque (quelques titres en solo, musique pour le film Seule la forêt de Sébastien Lacroix…).
Et puis les Lorrains reviennent, plus vraiment le même groupe en fait, pour ce qui est son premier album. Revenir parce que l’on a quelque chose à dire, pour briser les codes du genre pop, cheval libre, aller à l’essentiel ne gardant du rock que son urgence hantée, ses dissonances, son côté brut et ses reliefs accidentés. Ce disque ressemble à son pays à ses racines sidérurgiques faites de "métal, de bruit et de fureur". Il possède une densité palpable et montre un groupe au sommet de son inspiration qui, dans un élan créatif, assemble corps et âme.
Dans Comme une guerre froide, disque assez court seulement 7 titres, on peut y entendre sur des textes intimes parlant de la vie, de l’omnipotence des médias (de la télévision, des réseaux sociaux), du Diabologum, de la noise héritière de Sonic Youth, de la musique industrielle Allemande, Arto Lindsay, Rodolphe Burger, Birthday Party mais aussi du post-punk et de la No wave New-Yorkaise et une pointe de free (et pas forcément jazz) avec le saxophoniste Antoine Arlot soufflant tempête, véritable valeur ajoutée (l’hypnotique "Mistaken", le tendu "Agitprop", "Comme une guerre froide", peut-être les meilleurs titres de l’album). C’est en effet quand il lâche totalement prise, bascule du côté le plus obscur et étrange (digne de l’expressionisme allemand allant avec la pochette) que Tuscaloosa devient véritablement prenant. Un beau retour ? Un beau début ? Un beau disque en tout cas !