Comédie dramatique d'après le roman éponyme de Maylis de Kérangal, mise en scène de Sylvain Maurice, avec Vincent Dissez accompagné par le musicien Joachim Latarjet.
Trois jeunes d’une vingtaine d’année partis sur une plage vivre leur passion : le surf. Au retour, la camionnette qui les ramène percute un poteau. Simon, l’un d’entre eux dans un coma avancé est déclaré en état de mort cérébrale. Pour les parents, se pose la question du don d’organe et notamment du cœur de Simon.
Le formidable texte de Maylis de Kerangal "Réparer les vivants" est un passionnant défi pour un metteur en scène. Et l’est au moins tout autant pour un comédien.
Sylvain Maurice a adapté le roman choc, best-seller auréolé de nombreux prix, s’est entouré d’une équipe de qualité et a confié le jeu à un acteur qu’il connaît bien : Vincent Dissez (étonnant récemment dans le "Lorenzaccio" de Catherine Marnas, en tournée en France). Et le moins qu’on puisse dire c’est que le résultat est d’une qualité exceptionnelle. Sur un dispositif conçu par Eric Soyer,
Vincent Dissez ne quitte pas les quelques mètres d’un tapis roulant qui l’emmène irrémédiablement vers le fond de la scène, dans l’obscurité d’un portail au dessus duquel, comme sur une mezzanine, trône le multi-instrumentiste Joachim Latarjet, qui le soutient tout au long de ce monologue palpitant.
Vincent Dissez est un conteur à la voix chaude et envoûtante qui, en quelques inflexions, parvient à changer l’ambiance de l’histoire avec l’aide de la guitare évocatrice, du clavier ou du trombone de Joachim Latarjet, dans une écoute parfaite.
Le récitant qui nous relie au récit, et dont la plupart du temps, seule la silhouette se découpe dans l’obscurité (fabuleux travail d’Eric Soyer), le délivre en un ahurissant solo qui tient quasiment du jazz.
Les notes de la guitare zèbrent l’air tandis que les mots rebondissent dans la bouche de l’acteur comme ses chaussures de sport sur la gomme du tapis roulant dont la vitesse oblige le comédien à tantôt accélérer le pas, tantôt se jeter dans la course échevelée vers la vie de ce texte époustouflant qui transfigure l’horreur du deuil et de la réalité médicale en un poème de beauté et d’espoir.
Le texte, parfois très clinique, rapporte avec une foule de détails et souvent beaucoup d’humour la course contre la montre avant cette transplantation dont le narrateur, dans une infinité de nuances et une précision de gestes, est la vivante incarnation.
On reste suspendu pendant près d’une heure trente à la puissance du récit, sublimé par la grâce d’un comédien absolument extraordinaire, dirigé avec une finesse parfaite par Sylvain Maurice, qui du calme à la fièvre, de la tristesse à la quiétude ne nous lâche pas pour nous faire vivre un immense moment de théâtre.
Phénoménal parcours intérieur, "Réparer les vivants" du quatuor Maurice/Dissez/ Latarjet/Soyer est un monologue hypnotique magistral qu’il faut à tout prix venir partager. |