Réalisé par Richard Brouillette. Quévec/Esoagne. Documentaire. 1h19 (Sortie le 9 décembre 2015).
"Oncle Bernard, l'anti-leçon d'économie" de Richard Brouillette est aussi une "anti-leçon de cinéma", puisque, mis à part un plan sur Cabu et quelques zooms sur Bernard Maris, le cinéaste québécois se contente de fixer sa caméra face à lui pour cadrer en plans moyens son mauvais sujet mal pensant.
Déjà presque un an après sa mort dans la tuerie de Charlie-Hebdo, c'est avec un brin de tristesse que l'on retrouve Bernard Maris en pleine forme intellectuel.
Richard Brouillette a enregistré l'économiste de Charlie en 2000 dans les locaux du journal qui n'était pas encore installé rue Nicolas Appert et qui était alors dirigé par le très controversé Philippe Val.
Jeune quinquagénaire, Bernard Maris portait superbe. Sa morgue anticapitaliste et son scepticisme arrogant faisait mouche à chaque question bateau ou un peu obligé que lui posait le réalisateur au fort accent canadien.
"Oncle Bernard" n'avait pas non plus subi le travail d'usure que ses fréquentations médiatiques allaient effectuer sur lui. Il n'était pas devenu le comparse complice des collaborateurs des Échos faisant office de chroniqueurs sur France Inter. C'est donc un homme totalement libre de ses propos qui fera face au spectateur dans "Oncle Bernard, l'anti-leçon d'économie" de Richard Brouillette, film dont le triste n'est pas trompeur.
Dans l'obscurité de la salle, il sera avantageux de prendre de quoi noter les propos iconoclastes de cet anti-professeur d'économie, de cet universitaire qui avait osé se confronter aux "petits dessinateurs de Mickey" de Charlie-Hebdo.
On retiendra ainsi que "les statistiques parlent de chiffres pour ne pas parler de la réalité", que "le cadre est le personnage le plus imbécile de cette société" que, dans le commerce, "les puissants imposent leur volonté aux plus faibles". Belle mécanique intellectuelle, lapidaire mais jamais injuste, Bernard Maris ouvre ici la voie à tous les économistes dissidents, ceux qui se disent consternés, ceux qui se proclames atterrés, ceux qui s'opposent à la vulgate néolibéral.
Dans son dispositif spartiate, "Oncle Bernard, l'anti-leçon d'économie" de Richard Brouillette le restitue parfaitement. C'est vivant qu'on l'écoute, c'est vivant qu'on l'imagine.
Qu'on se le dise une fois pour toutes : parler de lui à l'imparfait ne s'impose pas. |