"Il n’y a aucune raison de paniquer. Nous allons créer et accompagner une existence. C’est une formidable nouvelle, me dis-je en tapant vol aller simple Patagonie sur mon clavier".
Ah ah. Honnêtement, j’ai ri en lisant cette première phrase en quatrième de couverture. Elle était pour moi une promesse de moments de solitudes et de remarques cocasses d’un homme qui devient père. Et je n’ai pas été déçue : un régal.
In utero, comme son nom ne l’indique pas forcément est le journal de grossesse d’un futur père : Julien Blanc-Gras. De l’annonce à l’accouchement, neuf mois de doutes insensés et de joies jubilatoires sont décrits sous son œil de futur-papa. Ce qui n’est pas anodin.
L’homme est écrivain, globe-trotter, à la découverte du monde pour nous le faire découvrir. Et alors qu’il se plaisait bien dans cette vie sécurisée et confortable, voilà que "la Femme" tombe enceinte. D’un commun accord évidemment. Mais alors que l’auteur nous laisse croire qu’elle était plus d’accord que lui au départ, il s’avère qu’il semblait n’attendre que cette "création inattendue" pour se révéler homme-père.
Parce que les féministes et les anticonformistes peuvent bien nous barber avec leurs discours sur la libération du couple et la liberté sexuelle, l’essence de ce couple est de créer la vie. Et quelle aventure !
Le roman se savoure d’un bout à l’autre sans longueur ni fausse note, la fin arrive si vite qu’on s’en lèche les doigts de gourmandise. Il faut dire que l’auteur n’en est pas à sa première bafouille, et qu’il a été plusieurs fois couronné pour la qualité de ses écrits.
Julien Blanc-Gras explique qu’il a commencé à tenir ce journal comme catharsis, c’était un moyen pour lui d’accepter ce qu’il se passait. Et de se préparer à l’ancestral rôle de chef de famille, à l’accueil d’un petit bout de lui, à laisser entrer l’inconnu (les couches et les casse-dalle en poudre, l’interruption braillarde de sommeil paradoxal…) source d’emmerdements et d’émerveillement.
Les étapes du deuil de sa vie de garçon se lisent à travers ses lignes, du déni (n’ai-je pas fait une grosse connerie) à l’acceptation (ouh qu’il est mignon), l’auteur décrit le cheminement de sa transformation.
Les parents y trouveront un reflet de leur expérience, avec les mêmes questions et les mêmes doutes. Les mères le recommanderont à leur conjoint avec le sourire bienveillant de celle-qui-sait. Les pères le recommanderont à leur conjointe avec la mimique amusée du ah-oui-quand-même. Et les enfants comprendront un peu mieux le monde dans lequel était leurs parents avant eux.
Beaucoup d’amour sans mièvrerie, une aventure de terrain pour ce jeune père en devenir, un sacré bon moment de lecture, In utero vaut un manuel de développement personnel en image. Ni donneur de leçon, ni condescendant, le roman s’adresse à tous, pour la nostalgie ou pour passer un bon moment. |