The Catastrophist
(Thrill Jockey Records) janvier 2016
Avec des albums majeurs comme Millions Now Living Will Never Die en 1996, TNT en 1998 ou Standards en 2000, le groupe Américain Tortoise s’est inscrit comme l’un des groupes les plus passionnants du début du XXIème siècle et comme le fer de lance, avec Mogwai et Slint, du mouvement post-rock, grosso modo une implosion esthétique qui amène à un mélange de rock, de musique jazz et / ou contemporaine, d’électronique le tout mélangé à diverses expérimentations sonores. Mouvement dont il n’aura de cesse de modifier les contours ou aura simplement envie de s’échapper.
Après un hiatus de sept années, et un plutôt décevant Beacons of Ancestorship sorti en 2009, qui aura permis aux différents membres du groupe de s’épanouir dans d’autres projets plus jazz ou rock, Tortoise est de retour grâce à une commande collaborative de la ville de Chicago qui souhaitait faire la promotion de sa scène musicale notamment les musiques jazz et improvisées. De cette commande, le quintette en a gardé quelques morceaux réarrangés et retravaillés spécialement pour ce The Catastrophist. On retrouve dans ce disque tout ce qui fait le sel de Tortoise, une musique complexe (enfin, il faut toute proportion gardée…), une inspiration tirée de la fusion du jazz, de la musique contemporaine (versant Steve Reich, La Monte Young ou Terry Riley), du Krautrock, d’un rock débarrassé de son contingent de poncifs et de l'électro minimaliste ("Gesceap"), une science de la rythmique (plus que du rythme en tant que tel ; "Ox Duke", "Hot Coffee") et un véritable travail sur les textures sonores ("Shake Hands With Danger", "Hot Coffee" ou "At Odds With Logic").
Il y a toujours cette basse tout en rondeur, cette rythmique, ce squelette, ce cœur en perpétuel vibration, sur laquelle vient se construire les mélodies. Cette volonté presque ontologique d’avancer note par note, rythme par rythme, de se dévoiler au fur et à mesure. Si tout cela ne manque pas d’à-propos, c’est plutôt du côté du propos que cela pêche. La musique de Tortoise reste identifiable entre mille, notamment ce timbre… mais même avec ce disque le plus électronique (ce son vieillot…), le plus vocale aussi : Todd Rittman des U.S. Maple chante sur le dispensable "Rock On", une reprise de David Essex, et "Georgia Hubley" de Yo La Tengo sur le mélancolique "Yonder Blue", le groupe semble avoir perdu une certaine mystique sonore.
Moins inventif que TNT ou Standards, The Catastrophist manque d’une réelle diversité des timbres (le groupe pourrait aller beaucoup plus loin…) d’une explosion harmonique, d’un travail tonal ou modal pour nous emporter vraiment. Un disque mi-figue mi-raisin en quelque sorte.
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