Pièce musicale d'après le texte éponyle de Bertold Brecht, mis en scène de Olivier mellor, avec Olivier Mellor, Stephen Szekely et les musiciens Séverin "Toskano" Jeanniard, Romain Dubuis et Cyril "Diaz" Schmidt.
Olivier Mellor et sa Compagnie du Berger s’emparent d’un texte méconnu de Bertolt Brecht, "Dialogues d’exilés", que l’auteur lui-même ne mit jamais en scène le remaniant sans cesse jusqu’à sa mort et n’y mettant pas de point final, pour en livrer une version joyeuse et inspirée où chant et humour noir se mêlent afin de donner vie à la pensée de l’auteur allemand, qui trouve plus que jamais des résonances troublantes dans notre actualité.
Deux allemands en exil, Ziffel (Olivier Mellor), un physicien et Kalle (Stephen Szekely), un ouvrier, allégories schizophréniques d’une même personnalité, se retrouvent au comptoir d’un bar d’une ville anonyme, pour y deviser librement, entre autres choses, de la valeur d’un homme par rapport à son passeport, du capitalisme, des vertus civiques, de l’éducation mais surtout à ce fameux mais "comment s’appelle-t-il donc au juste ?", cause de leur départ et de leurs tourments.
Adoptant volontiers un ton libre, dans un entremêlement de saynètes sans lien les unes avec les autres, l’auteur nous livre par petites touches désordonnées, entre critiques acerbes et plaisanteries caustiques, ses réflexions et inquiétudes face à un monde changeant et menaçant.
Jouant ouvertement de l’aspect décousu de l’œuvre, Olivier Mellor fait de cette rencontre une nuit épique et joyeuse, où vapeurs d’alcool et notes de musique enrobent une discussion à bâton rompue qui semble ne jamais trouver de fin, dans une atmosphère intime sur fond d’un lourd rideau rouge, au milieu d’un bric et de broc d’instruments et de fûts de bières.
Sur scène ils sont donc trois musiciens, Séverin Jeanniard à la contrebasse, Romain Dubuis au piano et Cyril Schmidt aux percussions et guitare, et deux comédiens à faire swinguer le texte de Brecht et les chansons de Kurt Weill, Jean Yanne ou encore Léo Ferré, dans une complicité gouailleuse, rafraîchissante qui mêle l’absurde à l’autodérision.
Loin d’ériger le texte en monument Olivier Mellor et Stephen Szekely en infusent plutôt l’esprit et invitent leurs compagnons à s’interpeller, entre deux gorgées de bière, tirée directement depuis les nombreux fûts qui jonchent la scène, allant et venant sur scène, tel qu’ils pourraient le faire dans un bar, donnant à la pièce beaucoup de naturel et de vivacité.
Ces cinq complices, véritables Charlots à bretelles aux pantalons improbables, font rire et cogiter une salle où le quatrième mur n’existe très vite plus. |