Songs For Our Mothers
(Fat Possum Records) janvier 2016
Fat White Family joue la provocation à tous les niveaux. Ne surtout pas se fier au titre angélique de ce nouvel album : Songs for our mothers. Nulle ballade ici, aucune douceur tout au long de ces 10 nouveaux titres du groupe londonien. Ne pas non plus se laisser abuser par la sobriété de la pochette où seul le titre du disque apparaît en lettrage blanc sur fond noir. Bien au contraire, le mauvais esprit, l’extravagance et la rage du premier album paru 2013, Champagne Holocaust (dont on se remémore le personnage mi-homme mi-porc affublé d’une faucille et d’un marteau et au sexe pendouillant qui illustrait la cover) sont toujours bien présents.
La forme évolue pourtant : exit les titres courts et percutants, place à une ambiance encore plus malsaine et oppressante pour l'auditeur. Le groupe, mené notamment par le chanteur et auteur Lias Saoudi et le guitariste compositeur Saul Adamczewski, pousse le curseur encore plus loin dans la noirceur en étirant davantage ses compositions et en y insufflant une veine blues, urbaine et sale. Cela débute par le psychédélique "Whitest boy on the beach" dont l'intensité croit au fur et à mesure du titre. "Satisfied" et "Love is the crack" poursuivent dans cette même voie, torve et maladive.
Fat White Family s'est taillé une flatteuse réputation scénique à force de concerts sauvages et explosifs ; il est facile d'imaginer que ces nouvelles chansons chancelantes, moins structurées donneront leur pleine mesure en live. Songs for our mothers ne serait-il qu'un prétexte à des tournées ? Alors oui, certains titres peuvent tourner à vide par moment ("Hits Hits Hits") ou semblent tirer à la ligne ("We must learn to rise"). Mais on peut - on doit plutôt - , y voir au contraire la liberté, l’insoumission d’un groupe qui vient nous rappeler les raisons d’écouter cette musique, sa spontanéité innée, son indispensable urgence qui traversent des morceaux comme le tourbillonnant "Tinfoil deathstar" ou le très velvetien "Duce".
Rejetons de Johnny Rotten et de Mark E Smith de The Fall, cousins des Libertines première période pour l’attitude décadente et les propos bilieux, les Fat White Family conjuguent intensité musicale avec provocation sulfureuse de façon (encore) sincère et sans calcul. C’est donc un malin plaisir un peu sordide que nous prenons à les écouter se mettre autant en danger face à leur démesure.