Comédie dramatique de Jean-Philippe Mestre, mise en scène de Pascal Vitiello, avec Bernard Lanneau et Michel Bompoil.
Le 28 juillet 1988, la Comédie-Française donne une représentation privée du "Mystère de la Charité de Jeanne d'Arc" de Charles Péguy devant le pape Jean-Paul II, dans les jardins de sa résidence de Castel Gandolfo.
A son issue, le pape et Antoine Vitez, alors Administrateur de la Comédie-Française, entament une conversation. Un journaliste présent, Jean-Philippe Mestre, enregistre des bribes de cet entretien dans lequel les deux hommes semblent tout de suite en phase.
Malheureusement, l'entretien ne dure que quelques minutes. Jean-Philippe Mestre, partant du matériau qu'il a enregistré, imagine une discussion bien plus longue et écrit "Rencontre à Castel Gandolfo", pièce créée à Monaco dans une mise en scène de Pascal Vitiello avec Bernard Lanneau dans le rôle de Karol Wojtyla et Charles Gonzales dans celui d'Antoine Vitez, et aujourd'hui reprise avec Michel Bompoil qui remplace Charles Gonzales.
Depuis Jean-Claude Brisville, on a l'habitude de ce genre de pièces qui correspondent à ce qu'est le "biopic" au cinéma et qui ont surtout l'avantage de mettre face à face des comédiens ravis d'incarner de grands personnages.
Le grand plus de ce que fait ici Jean-Philippe Mestre est d'être fondé sur un vrai moment de "communion" entre un homme de foi religieuse et un homme de foi théâtrale. Il ne s'agit pas d'une rencontre fantasmée ni arrangée pour provoquer des effets théâtraux et permettre aux deux protagonistes d'aligner les mots d'auteur ou de reprendre des phrases qui leur auraient été attribués abusivement.
Jean-Philippe Mestre a fait un travail de fourmi dans les textes et déclarations des deux hommes. Ce qu'il leur fait dire, ils l'ont dit ou auraient pu le dire.
Ecrit avec une intelligence rare, sans jamais vouloir briller, "Rencontre à Castel Gandolfo" devrait rendre humble à tout jamais Eric-Emmanuel Schmitt, car il s'en suit une conversation de haute volée entre deux êtres exceptionnels, qui, par-delà leurs différences (l'un croit et l'autre pas, l'un vise les cœurs, l'autre les esprits) se découvrent semblables.
Avec peu de moyens, un simple fond vidéo qui peut changer de couleur, Pascal Vitiello crédibilise ce véritable coup de foudre entre celui qui vit dans la transcendance et celui qui s'enflamme encore pour l'utopie. Il suffit de quelques pas sur scène, de quelques arrêts dans leur supposée promenade pour que les idées changent de chapitres, s'enchaînent toujours avec bienveillance.
Bernard Lanneau est un Jean-Paul II presque débonnaire qui sait écouter l'autre. Michel Bompoil est un Vitez plus fébrile, forcément moins à l'aise devant l'incarnation d'un milliard d'hommes dont il ne partage pas les convictions, mais qui parvient peu à peu à se détendre.
Que les non-chrétiens, voire ceux que l'homme en blanc hérisse, se rassurent : Jean-Paul II ne fait pas profession de foi mais profession d'humanité. Que les non-marxistes rétifs à tout ce que le rouge signifiait n'aient aucune crainte : Antoine Vitez n'est pas un idéologue sectaire mais lui aussi un ami du genre humain.
Qui que l'on soit, on sera donc emporté par cet échange où chacun ne cherche pas à avoir raison de l'autre. Au point sans doute qu'on aura, sensation plaisante, l'impression de tout comprendre de qu'expriment ces deux grandes consciences.
Peut-être déchantera-t-on une fois qu'on les aura quittés. Mais restera l'onde de choc d'un vrai moment de théâtre réellement magique. |