Comédie dramatique de Daniel Veronese d'après "Oncle Vania" de Tchekhov, mise en scène de Guy Delamotte, avec Martine Bertrand, Véro Dahuron, Marion Lubat, François Frapier, David Jeanne-Comello, Philippe Mercier et Timo Torikka.

Il ne faudra pas se fier au titre espagnol, "Espia a una mujer que se mata", de la pièce de Daniel Veronese. Car, malgré son discours sur le théâtre dans le théâtre, ses allusions à Stanislavski et ses citations de textes de Jean Genet, l'auteur argentin donne ici une belle adaptation d' "Oncle Vania" de Tchekhov.

On pourra discuter longtemps des variations qu'il apporte au dramaturge russe, mais à l'instar d' "Oncle Vania, 42e rue" de Louis Malle pour le cinéma, il donne à voir sur scène une des versions les plus limpides et les plus émouvantes.

Chez Veronese, tout est dit de ce qu'on attend, mais avec un tempo différent de celui de la pièce d'Anton Tchekhov. Pour savoir ce qu'il va advenir de la propriété, de l'oncle Vania, de Sonia, du professeur Serebriakov et d'Elena, d'Astrov et de Teleguine..., il ne faudra au spectateur que le temps d'un long-métrage standard.

Donc, d'abord, il s'agira de ne pas se fier à l'affiche qui donne à voir Oncle Vania en clown triste ni au titre de la pièce qui fait référence à un tango : Veronese ne dynamite pas Tchekhov.

La preuve en est aussi la mise en scène d'une fluidité totale de Guy Delamotte. Elle se repose sur un décor unique de Jean Haas qui a privilégié la terrasse de la résidence, où il situe l'action, et qui permet aux comédiens d'aller et venir tout autour de cette maison elliptique.

Elle peut aussi compter sur une distribution impeccable. Chacun est le personnage attendu sans avoir besoin de s'épancher sur son sens et ses motivations. En quelques traits qui n'ont rien de caricaturaux, chacun incarne avec évidence le rôle qu'il lui échoit.

François Frapier en Vania et Marion Lubat en Sonia donnent le la à une interprétation homogène qui n'est jamais languissante. Peut-être que l'opposition entre Vania et Serebriakov est un peu désamorcée par rapport au texte initial et n'est plus l'enjeu majeur de la pièce.

Car chez Veronese, l'ombre de la dive bouteille et du petit verre de vodka de trop plane sur tout le petit monde tchekhovien et nourrit le mal-être et la mélancolie qui en font la saveur si particulière.

"Espia a una mujer que se mata" est un beau spectacle qui a l'avantage de rendre vraiment un bel hommage à la pièce dont il s'inspire. Les variations opérées sur le texte original ne sont pas gratuites et l'on est impatient d'en connaître plus d'un auteur qui sait jouer avec dextérité avec un des chefs d'oeuvre de l'art théâtral.