Comédies dramatiques de Marguerite Duras, mise en scène de Anatoli Vassiliev, avec Thierry Hancisse, Florence Viala, Agnès Adam, Hugues Badetet Marion Delplancke.
La Comédie-Française sait aborder Marguerite Duras et l’on se souvient d’un beau "Savannah Bay" avec Catherine Samie et Catherine Hiégel.
Cette fois, sont proposées deux pièces écrites à vingt ans d’écart, "La Musica" et "La Musica deuxième" œuvres sœurs et presque ennemies, tant elles s’opposent en se ressemblant.
Un couple se retrouve à Evreux, à l’Hôtel de France. Ils s’y sont tant aimés avant d’acheter une maison dans la ville, là où la routine et le malheur, mérules de charpente, ont grignoté leur amour.
Le divorce gigote, horrible, après la première infidélité de la femme, jugée "abominable", attendu avec frénésie par les êtres de rechange, qu’ils ont rencontré dans l’étendue morne de l’"après", mais eux, ne s’aiment-ils pas toujours, jusqu’à regretter l’enfer conjugal ? Des heures et des heures, avec des mots, ils vont tout éprouver de nouveau, en s’éprouvant comme jamais. Une pièce ne finit rien, sa suite s’amuse à imaginer le possible.
Eric Ruf, qui doit n’aimer rien plus que le "Pourquoi pas ?", a invité un vieux maître russe, un enragé du texte et de la fidélité, un trousseur d’habitudes, qui doit pratiquer l’autopsie à vif, Anatoli Vassiliev.
Les gardiens du Temple durassien, cet auteur du chuchoté-hurlant, du frôlement brutal, doivent s’étrangler de rage : le russe impose son univers, son plateau encombré, le réalisme à larmes et crachat, les nudités crues des "pièces rapportées" déshabillées par l’absence : "Ou es-tu, Marguerite ?".
Si la première pièce convainc difficilement, la seconde emporte l’adhésion, tour réussi du vieux magicien, qu’on imagine se frottant les mains de satisfaction. Et puis Duras, grand auteur français donc universel devait enfin être volée. Guetté par Agnès Adam (la tenancière de l’hôtel), Hugues Badet et Marion Delplanque (les dénudés) le couple est composé de deux comédiens magnifiques : Thierry Hancisse, séducteur brisé au pouvoir intact, troublant, pervers, face à une Florence Viala sublime de féminité, de force et de jeu, jetant sa gangue comme une robe d’une autre heure.
Tout cela sera difficilement pardonné. N’est-ce pas le sujet de ces pièces ?
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