Monologue dramatique d'après le texte éponyme de Stefan Zweig dit par Jérôme Kirchner dans une mise en scène de Patrick Pineau et Jérôme Kirchner.
Jérôme Kircher porte sur scène, la parole, la pensée et les "souvenirs d'un Européen" de l'écrivain et dramaturge Stefan Zweig qui, dans son ultime oeuvre, "Le monde d'hier", livre une autobiographie réflexive en ce que son récit de vie retrace l'Histoire de l'Europe des quatre premières décennies du 20ème siècle.
Celui-ci n'est pas exempt de subjectivité liée notamment à une dimension sacrificielle qui amène cet homme issu de la grande bourgeoisie juive dite "assimilée" de l’Empire austro-hongrois, puissant empire disparu, et, de surcroît, de l'intelligentsia viennoise, à devenir, après la perte de la patrie de coeur, l’Europe "….pour la seconde fois, prise de la fièvre du suicide.. . qui se déchire dans une guerre fratricide", un juif errant.
Ni, de la légitime nostalgie tant d'une jeunesse dorée que d'un monde disparu, celui de la sécurité et de la raison créatrice qui d'une classe privilégiée, de villes telles la Vienne édénique célébrant le culte de la culture avant d'être "humiliée jusqu’à n’être plus qu’une ville de province allemande" et Paris, la ville de l'éternelle jeunesse et à l'innocence perdue depuis que le drapeau allemand flotte sur la Tour Eiffel et des hommes, qui allaient devenir les grandes figures de l'époque.
Et, au-delà de son caractère mémoriel, l'opus est empreint de l'irréductible pessimisme d'un humaniste, pacifiste et européen, qui, en ce début de troisième millénaire résonne comme visionnaire quand il évoque l'échec de la civilisation, la défaite de la raison, le triomphe de la sauvagerie, la mort des illusions, la décadence morale et le massacre culturel.
La partition élaborée par Laurent Seksik à partir d'extraits de l'oeuvre originale empreinte de gravité ne se prête pas aux effets scéniques mais à l'écoute ce que privilégient Patrick Pineau et Jérôme Kircher.
Ils ont judicieusement opté pour une radicale sobriété qui, avec un plateau, écarte tant la contextualisation scénographique en ne cédant pas même à la facilité convenue de l'illustration que serait la projection d'images d'archives pour "animer" l'espace, que le mimétisme pour représenter l'écrivain et tendre au biopic théâtral.
Jérôme Kircher, comédien rare, se concentre sur l'incarnation sensible d'un texte qui éclaire et interroge le monde présent et l'homme d'aujourd'hui. |