Comédie dramatique de William Cliff, mise en scène de Olivier Borle, avec Louise Belmas, Clément Carabédian et Sven Narbonne.

Il y a des jours de grâce. Ne pas se tromper de rue, marcher vers le soleil, pousser la porte d’un vrai théâtre - Le Théâtre de l’Opprimé - et découvrir un spectacle juste, puissant, vital. "Les Damnés" de William Cliff.

Verlaine et Rimbaud ont échoué à Londres. Ils se battent, se griffent, s’aiment, se quittent. Le faune marié - à l’horrible fille Mauté - et le petit ébouriffé dégonfleur d’importance, vivent la passion, en chair et en poésie, attendant que l’un des deux périsse, pour faire de l’air.

Olivier Borle, le metteur en scène, réussit le pari de montrer l’enfer d’une création à deux têtes, avec les tête-à-tête, les tête-à-queue, la tête que l’on perd, forcément.

Trois comédiens remarquables composent la distribution : Clément Carabédian est Verlaine, misérable, fasciné, torturé, aimant, incarnant, avec force, ce père de famille-poète-amant, honnête et éperdu, qui ne peut plus être tout à la fois, face à un petit démon génial - mais il l’est aussi - qu’investit l’excellent Sven Narbonne, inventant  "son" Rimbaud auquel il prête la force et la rudesse que possédait ce petit Ardennais coureur du Mont-Olympe.

Une voyeuse d’abord irritante : que fait-elle dans la chambre des amants ? - également logeuse, enveloppe du délire mystique d’une nuit de prison, qui commente, anticipe, femme du chœur qui connait l’histoire, surgit pour éclairer : c’est Louise Belmas, étonnante, forte, les pieds dans la glaise ou revissant un étoile qui clignote. Comédienne-née.

La musique de Marc Lauras rythme la pièce (hilarante scène où est récité "Chanson d’automne" pendant que les compères se rouent de coups !) Du théâtre, de la jeunesse, du don, tout à aimer.