Avec "L'Esprit singulier de l'Abbaye de Auberive", la Halle Saint Pierre ouvre ses portes à une grande collection d’art moderne et contemporain composées de plusieurs milliers d'oeuvres réunies par l'industriel français Jean-Claude Volot dont les auteurs ne figurent pas parmi les block-busters hautement médiatisés.
En effet, sa quête et sa passion visent à la découverte d'oeuvres oubliées et d'artistes inconnus, voire anonymes, qui s'inscrivent dans registre de l'art singulier, de l'expressionnisme et de l'art dit populaire.
Comme toujours,les expositions de La Halle Saint Pierre constituent des monstrations "sèches"dépourvues tant de cartel de salle, autre que des biographies sommaires des artistes, que d'indication de parcours pour guider le visiteur, notamment le néophyte, qui répond à une volonté de le positionner dans une confrontation personnelle et spontanée avec l'oeuvre.
Ainsi en est-il également en l'espèce pour la sélection de 70 artistes et de six centaines d'oeuvres effectuée par Martine Lusardy, spécialiste de l'art brut et directrice de la Halle Saint Pierre.
Voyage dans l'entremonde d'artistes singuliers : l'apocalypse de l'humain à l'humanité
En effet, si, dans sa brève note de présentation, elle indique que cette exposition, "reflète les partis-pris d’un collectionneur" avec des oeuvres qui sont" dans l’entremonde", elle n'apporte aucun commentaire sur les raisons de son choix, un choix nécessairement personnel et, donc subjectif, autre que l'existence de mystérieuses résonances échangées entre les oeuvres.
Ce qui ressort à une position plus drastique encore que celle de Jean-Hubert Martin le commissaire de l'exposition "Carambolages", qui, a minima, s'appuie sur un ordonnancement des oeuvres, ce qui, en l'espèce, place le visiteur dans une grande solitude propice à la méditation sur la condition humaine et la condition du monde contemporain qui peut servir de fil conducteur pour cette exposition qui se développe sur deux niveaux selon un protocole identique.
Car au sein de chacun d'eux, les oeuvres se positionnent de manière panoptique autour d'une installation-thème. Dans la ténébreuse salle du rez-de-chaussée, la "Chambre 23" de Francis Marshall composé de poupées-monstres, des poupées de chiffon rembourrées à craquer et ficelées sur leur chaise comportant des inserts manuscrits et assis autour d'une table
pour un étrange festin impossible.
L'homme n'a plus vraiment visage humain avec les personnages au regard vide de Jean Rustin, et son corps est l'objet de tous les sévices, contraintes et métamorphoses.
Quand il n'est pas confiné dans des boites placées sous l'oeil d'un voyeur démiurgique, les boîtes miniatures de Ronan-Jim Sevellec, il est dépecé et éviscéré par Georges Bru et Stéphane Pencréach, sacrifié par Pierre Bettencourt, travesti et ligoté par Pierre Molinier et subi une métamorphose animale chez Murielle Belin.
A l'étage, la série de 32 bronzes de "La Danse macabre" du sculpteur Marc Petit retrace, avec ses corps décharnés, l'humanité souffrante vouée à la damnation résultant de l'apocalypse annoncée.
La Terre est devenue le royaume de la mort scandé par les photos ectoplasmiques de Myriam Mihindou, le slinceuils de Ernest Pignon-Ernest, les gibets de Roland Virtusso et les charniers de Philippe Aïni. Et il ne faut se fier aux couleurs dynamiques des toiles de Moké, Robert Combas ou Ody Saban.
De l'art du désastre. |