Comédie dramatique de Roland Schimmelpfennig, mise en scène de Mitch Hooper, avec Xavier Béja, David Nathanson, Patricia Thibault et Sophie Vonlanthen. Prenez deux couples amis de génération et de milieu socio-professionnel identiques. Plongez-les dans des environnements différents résultant de choix de vie diamétralement opposés. Puis réunissez-les quelques années plus tard pour un dîner de retrouvailles.
Ainsi commence, telle une comédie de mœurs, "Peggy Pickit voit la face de Dieu", l'opus écrit en 2010 et au titre intrigant, du dramaturge allemand Roland Schimmelpfennig, qui se développe sur fond de crise de la quarantaine et de mauvaise conscience occidentale des générations post-coloniales notamment au regard de l'épidémie en Afrique subsaharienne.
L'un a privilégié le conformisme de la réussite sociale et la quiétude bourgeoise bien-pensante et se dédouane par une contribution compassionnelle et financière. L'autre s'est engagé dans l'humanitaire sur le terrain qui débouche sur un constat d'impuissance et de remise en cause de ses idéaux.
La convivialité, qui vire à la confrontation larvée révélant tant les les rancoeurs mesquines que les désillusions réciproques, s'achève sur un double KO. Car point de happy end boulevardier chez Roland Schimmelpfennig : pas de gagnant, que des vaincus.
Mitch Hooper dirige efficacement ce huis-clos sous haute tension et négocie habilement les arythmies résultant notamment de la pluralité concomitante d'espaces-temps dans une mise en scène qui use des procédés cinétiques de l'arrêt sur image, du fondu-noir et du gros-plan par l'utilisation de spots lumineux.
Le jeu implique finesse, concentration et expérience pour maîtriser ce texte "mille-feuilles" et, en l'occurrence, chaque officiant parvient à incarner son personnage, tel qu'il se dessine au fil de répliques, qui pourrait paraître anodines tout en étant polysémiques, et dont le point commun est une souffrance psychique, qui s'exprime de manière différenciée, tout en s'inscrivant dans la synergie du groupe.
Et sur scène, David Nathanson et Patricia Thibault, les invités revenus défaits à la "civilisation", lui introverti, elle hypersensible, et Sophie Volanthen et Xavier Béja, les hôtes, respectivement refoulée hystérique et abasourdi, réussissent pleinement l'exercice. |