Comédie écrite et mise en scène par Salomé Lelouch, avec Thibault de Montalembert, Rachel Arditi, Ludivine de Chastenet, Bertrand Combe et Arnaud Pfeiffer.
On se plaint assez que le théâtre contemporain ne soit pas en phase avec son époque pour ne pas saluer en "Politiquement correct" de Salomé Lelouch une vraie tentative pour aborder le contexte actuel.
Avec une intrigue qui tiendrait sur un ticket de métro, un membre influent du "Front" rencontre une électrice de gauche, l'auteure construit une vraie comédie qui pourrait bien finir en tragédie. Tout se passe dans un café, avec son garçon centriste, entre les deux tours de l'élection présidentielle. Modulable, le comptoir du bar où passent et repassent les quatre protagonistes, n'est pas ce qu'il y a de plus réussi dans cette pièce.
Mais son rôle est majeur : n'est-il pas là pour signifier, même inconsciemment, que les propos tenus par les uns et les autres, à l'instar de tous ceux échangés par les Français pendant le temps électoral, sont essentiellement des propos de "café du commerce "?
On sait qu'il est difficile de faire du "théâtre politique" hors des salles institutionnelles. Ne serait-ce que parce que le public y est divers et que le consensus est d'abord la garantie de remplir la jauge. On se demandera donc d'abord si "Politiquement correct" clive et si les électeurs amenés à voter pour le "Front", qui pourraient occuper un bon tiers des fauteuils, pratiqueront ou non la "politique de la chaise vide".
Incontestablement, Salomé Lelouch a su écrire un texte qui n'est pas manichéen et applique avec talent l'adage de Jean Renoir qui disait que dans ses films "chacun a ses raisons".
Les échanges entre Alexandre et Mado sont crédibles et jamais artificiels. Leur rencontre, due à un quiproquo de portable, lance la pièce sur de bons rails. Leurs deux amis, qui sont leurs consciences, sont plus extrêmes qu'eux dans leur vision du monde et ont pour fonction de leur rappeler leur "éthique politique".
Bref, Salomé Lelouch réussit à éviter tous les pièges qu'elle aurait pu se tendre elle-même. Sauf peut-être le dernier : celui d'être obligée de choisir une issue aux élections et d'indexer le destin de son Roméo frontiste et de sa Juliette bobo de gauche à celles-ci. On se doute que l'exercice était difficile et qu'elle n'a pu traiter totalement "objectivement" son sujet.
Qu'importe les rires fusent avec des propos qui, d'habitude, révulsent. Le couple formé par Rachel Arditi et Thibault de Montalembert fonctionne à merveille. Rachel est très émouvante en idéaliste d'un autre âge face à un vrai ou faux cynique, selon les opinions. Thibault, lui, donne à son personnage une vraie fêlure. Evidemment, la rusée Salomé Lelouch, en en faisant une tête pensante de son parti, empêche la petite prof humaniste de la creuser et de chercher à le convaincre par les arguments de l'amour...
A leur unisson, Ludivine de Chastenet, en psy mélenchoniste et Bertrand Combe, en fleuriste national, forme la possibilité d'un autre couple impossible.
Reste Arnaud Pfeiffer qui rêve d'une France unie autour de ses bons petits plats pour compléter une distribution impeccable, dans une pièce dont la date limite de fraîcheur théâtrale ira bien au delà de mai 2017. |