C'est au cours d'un banal rangement de son sous-sol que Bill Gould, bassiste de Faith No More est tombé sur les bandes de leur premier album, We Care A Lot. L'occasion idéale pour re-donner une seconde vie à ce disque sorti en 1985 et documenter les débuts d'un groupe encore balbutiant, en rodage, à qui il manquait à l'époque un de ces membres essentiels : Mike Patton. Il rejoindra Faith No More en 1988 et remplacera celui que l'on peut entendre sur ce premier album : Chuck Mosley.
Pour l'anecdote, le très aimable et intransigeant musicien / producteur Steve Albini s'est fendu d'une chronique assez vacharde au sujet de ce premier jet des Californiens. Certes, on est encore loin des compositions complexes et ambitieuses d'Angel Dust mais cette ré-édition permet de comprendre la génèse de leur direction musicale.
Pour ceux ayant grandi dans les années 90, Faith No More et Jane's Addiction, le groupe de Perry Farrel, instigateur du festival itinérant Lollapalooza, étaient des groupes intrigants et novateurs qui se fichaient pas mal des contraintes imposées par les genres et les modes de l'époque. Ces groupes fédéraient bien plus que le fan de métal Lambda. Les punks y trouvaient leur compte, les fans de musique psychédélique aussi. A l'écoute, il est facile d'identifier ce qui attirait un ado en manque de sensations fortes au début des années 90 : les grosses guitares métal qui tachent. Mais pas que.
Contrairement aux groupes de métal qui cartonnaient au début des années 90, entendez par là les Guns' N 'Roses avec leur omniprésent Use Your Illusion 1&2 et Metallica qui se lançait dans le slow braguette avec son Black Album, un groupe comme Faith No More posait les bases d'un métal protéiforme et avant-gardiste qui convoquait aussi bien Killing Joke, PIL que Blue Oyster Cult. Même si à l'époque certains de ces groupes ne faisaient pas encore partie de nos références, Faith No More jettait des passerelles entre des genres a priori éloignés et peu enclins à se mélanger.
Il convient cependant d'appréhender cet objet pour ce qu'il est : un premier album, le brouillon d'un groupe qui devait quelques années plus tard devenir une grosse machine du rock alternatif américain. Sur les dix titres originaux, il y a des morceaux qui sortent clairement du lot et certains plus anecdotiques. Au final, on ne peut s'empêcher de penser qu'avec We Care A Lot, le groupe tenait au final un tonitruant EP. L'éponyme et tubesque We Care A Lot, ironisant sur les artistes millionaires "engagés" de 1985, pleurant sur le sort de l'Afrique qui crevait la bouche ouverte (Band Aid, USA for Africa), "The Jungle", "Pills for breakfast" et "As The Worm Turns" sont de loin les morceaux les plus efficaces et les plus représentatifs des gimmicks du groupe : riffs métal accrocheurs et synthés épiques. Ré-édition oblige, de nombreux bonus sont disponibles : des mix 2016 de "We Care A Lot", "Pills For Breakfast", "As The Worm Turns" qui mettent en évidence le fossé technologique entre la production musicale en 2016 et 1985. Quatre démos et deux live franchement dispensables raviront les complétistes. |