Comédie dramatique de Frederik Brattberg, mise en scène de Jean-Christophe Blondel, avec Valérie Blanchon, Guillaume Lainé, Sylvain Levitte et Albertine Villain-Guimmara.
Gustave, le fils a disparu. Le père, par la fenêtre, surveille sans cesse le chien du voisin tandis que sa femme tricote sur le canapé devant la télévision. Quand soudain, le fils revient. Ce ne sera pas le premier de ses "Retours".
"Retours" a l’étrangeté d’un conte fantastique puis glisse lentement vers l’humour noir pour terminer en Grand-Guignol.
A l’instar de son compatriote Jon Fosse dont il s’inspire dans l’écriture circulaire et dont il utilise les mêmes procédés elliptiques, le norvégien Frederik Brattberg traque le thème de la famille, des convenances et l’aliénation du couple par la société avec férocité. Dans les deux pièces, ses personnages ancrés dans le réel, basculent sur un détail dans la folie.
"Voyage d’hiver" donne à voir un autre couple, plus jeune, pour qui la perception du réel va changer à l’arrivée de leur bébé. Un autre conte étrange avec l’histoire de ce couple pour qui l’enfant nouveau-né est un train qui s’en va pour traverser le monde sans arrêt.
La scénographie astucieuse de Marguerite Rousseau, de longues bandes verticales molletonnées suspendues au fond et qui se déroulent jusqu’au devant de la scène délimitent les lieux et figurent même les portes pour les entrées et sorties des personnages de la maison au dehors.
La mise en scène soignée de Jean-Christophe Blondel ainsi que la distribution épatante et finement dirigée mettent en valeur cette écriture incisive et minimaliste qui tord le cou à l’image de la famille modèle.
Valérie Blanchon et Guillaume Lainé sont un couple banal qui perd pied peu à peu. Ils sont excellents. Sylvain Levitte, l’un des jeunes espoirs actuels, campe le fils avec une oppressante singularité et son indiscutable présence.
Dans la seconde pièce, il exprime avec Albertine Villain-Guimmara une fantaisie et une joie de jouer qui font plaisir à voir, (accompagnés par Valérie Blanchon : la tante et Guillaume Lainé à l’accordéon). Tous deux tiennent avec métier (et un petit grain de folie) la scène.
Oscillant entre le drame, le fantastique et la farce, "Retours/Voyage d’hiver" propose deux petits bijoux décapants et interroge sur la place de l’enfant dans la famille.
Non destinées à être jouées ensemble, les deux pièces se font pourtant naturellement écho dans leur approche de la parentalité et donnent une impression aussi diffuse qu’un brouillard nordique ; dense et opaque au sourire amer, teintée d’une sourde angoisse. A voir d’urgence !
|