Spectacle conçu, réalisé et mis en scène par Jean Luc Tardieu
d'après la correspondance d'Erik Satie avec Jean-Paul Farré, Bernard Dhéran et Michel Runtz au piano.
Jean Luc Tardieu nous invite à une rencontre émouvante et drôle avec le compositeur Erik Satie, dont les pièces, "Morceaux en forme de poire", des "Gymnopédies", des Véritables Préludes flasques pour un chien" et des "Valses distinguées du précieux dégoûté", résonnent aujourd'hui encore comme étonnamment modernes par leur recherche de nouveaux potentiels sonores et annoncent le mouvement Fluxus.
Erik Satie fut le plus sociable des misanthropes, le plus cocasse des dépressifs et le plus épistolaire des musiciens. Conservateur, ritualiste, il conservait les brouillons de ses missives qui supportaient ses coups de gueule comme ses appel à l'aide et ses échanges avec des figures du monde artistique du début du 20 ème siècle comme Debussy, Picasso, Cocteau ou Picabia.
Jean Luc Tardieu a épluché avec soin et intelligence sa correspondance pour en faire un choix, une adaptation et un montage judicieux qui permettent d'approcher avec légèreté et humour, non dénués de sensibilité et de gravité parfois, du caractère excessif et singulier du bonhomme, qui se résumait ainsi : "Né très jeune dans un monde très vieux", ainsi que de sa position tout à fait anachronique au sein de la vie culturelle particulièrement foisonnante de son époque.
Cela commence par ses fameuses bulles d'excommunication rédigée avec l'en-tête de L"Eglise Métropolitaine d'Art de Jésus Conducteur/Erik Satie, Parcier et Maître de Chapelle" qu'il a inventées et dont il est le seul membre, dans lesquelles il laisse libre cours à sa ire et à ses sentences délirantes dont des personnalités bien en vue, telles le célèbre critique Willy, mari de Colette, firent les frais. Et puis suivent des missives de remerciements souvent ironiques pour ses bienfaiteurs qui lui accordent quelque subsides et des échanges avec ceux qu'il trouve "épatants", comme Debussy, qui orchestrait ses compositions, ou Cocteau avec qui il a créé le ballet Parade avant de tomber en fâcherie et de les insulter copieusement d'une plume vitriolée, qui le conduira même jusqu'à une condamnation pour diffamation.
La mise en scène épurée, écartant toute iconographie "satiste", accompagne deux comédiens exceptionnels qui nous emmènent dans l'univers de Satie ponctué d'extraits musicaux. Bernard Dhéran, impérial en conteur affable, nous dresse le décor de cette époque et distille les jalons chronologiques qui marquent le périple du musicien. Et c'est Jean Paul Farré, vibrion inspiré, qui campe, sans décor ni accessoire, un Satie hallucinant et halluciné qui nous apostrophe avec la lecture de ses épîtres.
C'est drôle et pathétique, brillant et sombre, cocasse et délirant. Un moment exceptionnel ! |