Je vais faire une chronique sur un disque de Vincent Delerm, alors commençons par évacuer et faire plaisir aux haters en vrac, en clichés et en mot clé : "Delerm le garçon qui est sur France inter, le garçon qui n’a pas de voix, c’est Télérama, bobo, parisien (il est de Rouen du con), name dropping, le garçon qui endort, le garçon qui… hahaha c’est nul". Oui sans doute, voilà c’est fait merci, bisou...
Bonsoir,
Sur son nouveau disque, Vincent Delerm explique que les chanteurs sont tous les mêmes, nous y reviendrons, mais en fait ça va plus loin que ça, nous sommes tous les mêmes, et une fois de plus il met des mots sur ce que nous sommes. En fait, je ne connais pas personnellement ce monsieur Delerm fils, mais c’est juste quelqu’un comme moi, nous avons les mêmes références, nous avons Vincent Delerm et moi écouté les mêmes disques, vu les mêmes films moi et Vincent Delerm, nous parlons la même langue. Voilà, ça c’est dit, parlons du disque.
Vincent Delerm signe un des plus beaux disques de chansons de cette année, vraiment. Tout est réussi, les textes, la musique, les arrangements. Voilà ça aussi, c’est fait.
Musicalement, Vincent Delerm réussit un parfait mélange entre ses petites obsessions pour François de Roubaix et la musique de films en général, et la chanson plus souchonienne, il réussit également à mélanger programmation, boucle, acoustique, cordes et cuivres en petites couches successives, s’éloignant du piano-voix qui fut longtemps sa marque de fabrique. Il signe un disque ambitieux, mais sans jamais se perdre, il réussit enfin la transcription de ses spectacles en disque c’est-à-dire ajouté à ses chansons des éléments de contexte grâce à des extraits de son de l’INA ou de films, utilisés avec parcimonie, il rajoute une touche assez intemporelle au disque.
Les textes sont emprunts d’une certaine mélancolie, plus que le name dropping, c’est dans la référence, dans des clins d’œil que beaucoup s’inscrivent, à noter d’ailleurs qu’il n’est pas obligatoire d’avoir les références en question pour les comprendre, ou pour être sensible aux morceaux. "Je ne veux pas mourir ce soir" par exemple, comme la suite fantasmée de "Je ne veux pas mourir" de Mendelson, une chanson que j’avais découvert comme beaucoup en septembre 1997 sur une compilation des Inrockuptibles "Une Rentrée 97". Sur ce CD "offert avec le N°118", il y avait Portishead, Björk, Silvain Vanot, Jean Bart, Alpha, Robert Wyatt, Ait, Craig Armstrong… Toute une époque, tout autant d’influences que l’on retrouve ici. Tout un bagage musical que Vincent Delerm possède également, il est de son époque, il est plus moderne que l’image de chanteur sépia que certains veulent lui coller.
Plus qu’un chanteur autocentré, il ose le "nous sommes", sur la chanson qui donne son titre à l’album, A Présent, comme par besoin de se reconnaître, et de se retrouver "Nous sommes... la vie qui continue son cours", avant de se tourner vers l’avenir d’un enfant qui grandit. Et même quand il ose la chanson que l’on pourrait croire autocentrée sur sa condition de chanteur, il invite Benjamin Biolay pour un duo, et Camille au chœur, dans la tradition de Souchon ("Le P’tit Chanteur"), il semble non seulement répondre à Dominique A pour qui les chanteurs sont ses amis, mais aussi à Murat pour qui tous les chanteurs sont malheureux, avec beaucoup d’humour il montre, rit de sa propre caricature et où à 20h dans la loge, il reste juste l’homme qui chante.
On pourrait analyser et disserter sur chaque morceau, tant ceux-ci sont des petits concentrés de vie, de gens, de moments touchants, des moments importants, des moments anodins, il touche l’intime, il appuie sur le cœur sans jamais être larmoyant ou tomber dans la facilité. On peut évidemment ne pas être sensible à sa voix, à sa manière de chanter, à ses arrangements, mais ça me semble hautement improbable de pas se retrouver dans ce qu’il dit, car il parle moins de lui qu’il ne parle de nous. Parce que, que nous le voulions ou pas, nous aussi nous sommes tous les mêmes.
Et moi aussi, je suis le garçon qui aime écouter France inter, qui n’a pas de voix, qui lit parfois Télérama, je suis un bobo parisien (je suis de Besançon du con), et comme le disait Jean d’Ormesson "le name dropping c’est bath", et j’aime m’endormir doucement, le corps collé contre elle, en racontant de vieux souvenirs… Je suis le garçon qui aime Vincent Delerm.
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