Comédie dramatique écrite et mise en scène par Manuel Durand, avec Flore Grimaud, Eric Verdin, Stéphane Aubry, Manuel Durand, Elisa Benizio, Emilie Cazenave et Mathilde Hancisse.
"A quand la mer ?" pourrait aussi s'appeler "Lacan/la mère" tant la pièce se place sous le signe du fils à la recherche fantasmée du père et voulant fuir "sa" mère.
Une mère qui n'est pas une super-Nana, mais l'ombre fragile de la chanteuse grecque à lunettes. Un fils qui s'appelle, pour ne rien arranger Odysseas, et qui devra passer quelques décennies avant de - peut-être - devenir un orphelin libéré de Mouskouri.
Manuel Durand, maître d'oeuvre de ce "A quand la mer ?" qui n'aime pas les temps morts et qui est chargé comme la R12 familiale sur le chemin des vacances, a conçu un spectacle presque total. On y chante de temps en temps, on y danse parfois, on s'y transforme souvent.
Le père (Eric Verdin) est masqué et le fils (Stéphane Aubry) a une perruque mouskouresque. On y joue les enfants et on y revit la vie et la télé des années 1960-1970, celles dites glorieuses mais qui ne le sont guère chez les Rondouillat...
Car la mère (Flore Grimaud) est plus que border-line, tandis que la fille aînée (Elisa Benizio) est une Christine Angot en puissance. Quant à sa soeur cadette (Mathilde Hancisse) elle est dans la peau d'une jolie blonde qui aimerait vivre une vie normale même si elle a été fatalement prénommée Nana.
Et que dire du père des deux filles, le beau-père d'Odysseas (Manuel Durand lui-même), lui qui n'est qu'un simple Jean-Claude, lui aussi emperruqué, si loin du "vrai" père, héros sans nom comme Ulysse ?
Dans ce théâtre touffu, riche en pépites, on retiendra les belles scènes familiales "seventies" où l'on regarde "Le Chat" en se questionnant sur la beauté passée de Signoret avant de zapper sur les deux autres chaînes.
On aimera ce trajet épique vers des vacances au bord de la mer et l'on aimera par-dessus tout la capacité de Manuel Durand à partir vers un ailleurs où les hôtesses de l'air d'Air Canada ont de la répartie et la tête de Nana Mouskouri (Emilie Cazenave).
Utilisant avec une parcimonie savante son écran vidéo, avec pour seul décor permanent un canapé, Manuel Durand s'appuie sur une belle brochette de comédiens, tous unis dans cet objet théâtral qui sait justifier sa différence et qui contient même quelques réminiscences lagarciennes.
Il faut être attentif à ce travail d'une réelle sincérité. Porteur d'une authentique envie de fabriquer du théâtre, Manuel Durand emportera ceux qui y seront sensible vers une émotion sans calculs. |