Comédie dramatique de Harold Pinter, mise en scène de Sarah Denys et Merryl Beaudonnet, avec Sarah Denys, Merryl Beaudonnet, Emmanuel Gruat, Jean-Charles Garcia, Charlie Fargialla et Pierre Doignon.
Souvent jouée, "Trahisons" est une pièce d'Harold Pinter qui surprend quand on la voit pour la première fois, et qu'on n'en connaît pas le procédé, puisqu'il s'agit de "remonter le temps".
Au lieu de suivre l'histoire du trio "classique", femme, mari, amant, de son commencement à sa fin, Pinter part de sa dilution pour revenir de scène en scène à sa naissance.
Cette originalité nécessite une attention particulière des comédiens qui doivent réussir à construire des personnages dont les certitudes changent constamment. Elle nécessite aussi un habillage qui fasse bien comprendre qu'on change d'époque, qu'on revienne en arrière. Ainsi la boucle temporelle contient à la fois les accents jazzys de "Fever" de Peggy Lee et la plainte rock de Janis Joplin.
Dans la version de "Trahisons" mise en scène par Sarah Denys et Merryl Beaudonnet, le parti pris a été de rester dans le même décor, de ne pas "rajeunir" les acteurs et de leur trouver des tenues passe-partout qui pouvaient être portées pendant les deux décennies traversées par la pièce.
Présupposant que les spectateurs connaissent presque tous la construction en "flash-back" successifs de "Trahisons", elles estiment que le texte de Pinter est suffisamment clair pour ne pas avoir besoin d'alourdir avec des changements de décors et de costumes.
Cela implique néanmoins du spectateur un petit effort supplémentaire pour bien saisir les "césures" temporelles. Effort qui fait parfois perdre le fil subtil de ce drame bourgeois à l'envers où l'on cherche à savoir qui sait quoi, qui trahit qui et quand.
Reste que ce petit moment de confusion n'empêche pas de prendre plaisir à ce jeu de dupes entre "amis" et "amants", qui, ici, paraît vraiment pervers de la part de purs intellectuels plus en quête d'histoires d'amour que d'amour proprement dit.
Mais cette perversité est tempérée par la présence récurrente d'un garçon de café italien qui rappelle opportunément que le théâtre de Pinter n'est jamais dénué d'humour. Sarah Denys et Merryl Beaudonnet proposent donc une version de "Trahisons" qui préfère parcourir son mystère que le résoudre. |