Comédie dramatique de François Porché d'après une nouvelle de Madame Simone, mise en scène de Marie Véronique Raban, avec Annie Monange, Philippe Blanchard et Marie Véronique Raban.
Même si elle est affaire de stratégie, la partition de "Un Roi, deux Dames et un Valet" ne renvoie pas à une combinaison de jeu de cartes mais plonge au coeur de la guerre des favorites qui sévit à la cour du Roi Soleil et, plus précisément, celle qui oppose la marquise de Montespan et Madame de Maintenon. La première, maîtresse en titre, sublime beauté aristocratique qui a fait son temps, et surtout des bâtards royaux légitimés, ce qui s'oppose à un limogeage pur et simple, refuse obstinément de céder la place à Madame de Maintenon, une roturière qui fut la gouvernante de ses enfants. Celle-ci a pris l'ascendant sur le roi vieillissant au point de se faire épouser et, bien que dévote, sa soif de revanche sociale ne l'incite pas à pratiquer la charité et le pardon des offenses à l'égard de celle qui se pose encore comme sa rivale. D'après un texte de Madame Simone, son épouse femme de lettres et grande comédienne du début du 20ème siècle, François Porché a conçu une pièce brillante, spirituelle et néanmoins soutenue au plan dramaturgique, qui retrace le dernier assaut de ce duel pour un roi entre deux femmes à la langue acérée et rompues aux traits d'esprit et à la rhétorique de cour. Mais il dépend de leur avenir et l'heure n'est plus aux fleurets mouchetés. Il revêt la forme d'une joute pilotée et arbitrée par le factotum royal, un valet qui n'appartient pas à la vulgaire valetaille mais le premier valet du roi, un roi qui n'aime pas se trouver dans l'embarras et, en l'espèce, joue l'arlésienne, par ailleurs au fait de toutes les intrigues et doté de la diplomatie rouée du plénipotentiaire. Marie Véronique Raban en assure la mise en scène efficace dans une version resserrée à ces trois principaux protagonistes qui, dès lors, ressort au théâtre dit de conversation, comme, au jeu, elle campe parfaitement l'orgueilleuse marquise, naïve coquette sur le retour et mère sans tendresse, qui croit encore à son influence. Tout comme Annie Monange qui incarne une Madame de Maintenon duelle, à la fois femme maternelle et machine de guerre ambitieuse, tenace et haineuse, presque tartufienne, usant de sa dévotion comme d'une arme, plus conforme à la réalité historique, car, ainsi que l'écrivait Colette lors de la création de la pièce en 1935, une belle âme n'aurait sans doute pas suffit à maintenir sa position pendant plus de trois décennies, qu'à son image réductrice dans la mémoire collective. Maîtrise, métier et sensibilité président à leur interprétation des différentes facettes de personnages qui ne sont pas monolithiques. Dans le rôle de Bontemps, commensal et confident de Louis XIV qui, selon Saint-Simon, avait la cour à ses pieds, et qui, en l'occurrence, tire les ficelles avec brio, la composition de Philippe Banchard est enthousiasmante par son amplitude qui va de la truculence du grand valet de comédie expert en ressorts et intrigues à la virtuosité machiavélique du stratège talleyrandien maniant manipulation, vraie ou fausse complicité et persuasion. Donc une belle réussite. |