Comédies dramatiques de Václav Havel, mise en scène Anne-Marie Lazarini, avec Cédric Colas, Stéphane Fiévet, Frédérique Lazarini et Marc Schapira.
Curiosités à ne pas manquer. Vaclav Havel, le dramaturge-président tchécoslovaque, confronté, dans les années "bréjneviennes" à la traque des dissidents, maintes fois jeté en prison, interdit de publication, travaille, près d’une année comme roulier dans une brasserie.
La première pièce, "Audience" traite de cette expérience. Un intellectuel mal-vu, en pleine rééducation prolétarienne, est convoqué par son supérieur, un butor d’allure bonnasse, ivrogne et complaisant par imbibition. Ah, s’il daignait lui faire entrevoir le monde des actrices et signer son autocritique, l’ancêtre rustique du coming-out, comme il pourrait douillettement passer son temps … Tout est si simple en renonçant.
Fable sur le frottement des mondes hostiles, et la soumission, "Audience" frappe fort, avec le géant Stéphane Fiévet, sanguin et complexé, face au fluet Cédric Colas, qui flaire tôt le piège sanglant. Le décor d’une cage de verre ajoute au malaise montant.
Changement de lieu et de décor pour "Vernissage". Théâtre en appartement. Des parvenus du Régime, dotés de passeports et de visas pour enjamber le Rideau de fer, reçoivent un ami pour lui montrer leur réussite.
Combien ils sont heureux, combien ils sont bien installées, combien ils sont heureux, combien, combien et toujours combien. Face à cet exhibitionnisme éclaboussant, le pauvre ami et ami pauvre a tout faux. Il se contente de peu. Refuse de recevoir. Ne joue pas le jeu. Méprisant, va !
Frédérique Lazarini excelle en femme d’intérieur trop extérieure, au bord de l’hystérie, face à un mari si content de soi, Marc Schapira, le bonheur jusqu’à la nausée. Cédric Colas est de nouveau le "dissident" qui prend mal tout le bien qu’on lui inflige.
L’excellente mise en scène d’Anne-Marie Lazarini, un œilleton qui s’élargit en cinémascope du pathétique, permet d’accéder, par ces deux courtes pièces à une jubilation réelle. Havel frappe fort. Et nous dérange dans nos nouvelles tyrannies.
C-L. Morel |