Spectacle circassien conçu et mis en scène par Hervé Vallée, avec Hervé Vallée, Jean-Baptiste Véry, Lalla Morte, Alba Faivre, Séverine Bellini, Loup Frheaven, Yannick Garbokino et Amélie Kourim.
Installé Porte des Lilas, le Cirque Electrique propose, sous chapiteau, des spectacles circassiens prodomo ressortant, certes, au genre du nouveau cirque mais qui résiste aux tentatives taxinomistes par leur univers singulier.
Celui-ci tient à la marque de fabrique impulsée par son fondateur-concepteur, le circassien et musicien Hervé Vallée, qu'il définit comme un "cirk'n'roll animal" placé sous la trinité de l'electro-punk, de la performance acrobatique et du burlesque.
"Steam", son dernier opus en date, en constitue la quintessence par l'hybridation du cirque acrobatique, du cabaret underground et du concert d'indus metal sur une trame de dystopie pré-apocalpytique placée sous l'obédience des "Sonnets pour une fin de siècle", oeuvre du poète et écrivain français d'origine russe Alain Bosquet, dont "La pluie", ode à une Europe moribonde, est lue en prologue.
Elaborée par Hervé Vallée et bénéficiant des lumières crépusculaires de Jérôme Haleix, la scénographie s'avère spectaculaire dans la représentation d'un environnement urbain à la Enki Bilal - une batterie de ventilateurs qui disperse de la fumée, la vapeur des bas-fonds usiniers, et dont les pales servent de stroboscopes, des écrans cathodiques, évoquant tant la société de surveillance en déliquescence, avec une référence assumée, l'art-vidéo des années 1960 - dans lequel les "survivants" se heurtent à un cadre métallique cubique qui, au sol ou suspendu, figure de totem rétro-futuriste qui constitue également un agrès.
Le spectacle est dispensé sur une musique délivrée en direct par Hervé Vallée, multi-instrumentiste d'obédience post-punk, qui se livre à une intervention avec son double, l'homme-percussion et tambour humain Tapman, et Jean-Baptiste Very aux claviers, qui n'est pas un habillage mais une performance musicale en forme de live underground "in Berlin" qui constitue l'épine dorsale du spectacle sur laquelle s'implantent les interventions des artistes.
Il se déroule sous forme de tableaux avec des performances en solo ou chorale de Séverine Bellini, femme liane, sauvage et sensuelle, contorsionniste émérite, Alba Faivre, formée à l'Ecole nationale de cirque du Canada, acrobate aérienne au look androgyne qui excelle au mât chinois avec lequel elle se livre à un redoutable corps-à-corps, Yannick Garbolino, équilibriste fin et élégant qui se livre à l'acrobatie sur plots, et Loup Frheaven qui pratique une acrobatie de sol très puissante par hybridation avec le sport urbain, le free running, et à la détente impressionnante.
La grâce est personnifiée par la gestuelle chorégraphique de Amélie Kourim, issue de l’Académie Fratellini, renversante à la corde lisse, superbe au tissu aérien, époustouflante avec ses équilibres parfaits au trapèze ballant comme au trapèze fixe.
Et, en contrepoint, d'un monde de violence sourde, un peu de douceur mais étrange, fascinante et mortellement belle, avec le numéro d'effeuillage de la danseuse-performeuse Lalla Morte, fondatrice du cabaret dangereux "MurderSuicidePresents", également au chant et à la scie musicale, qui décline le le classique numéro de "feather fan dance" créé dans les années 1930 sur le mode de la ballerine de boîte musicale.
Belle réussite immersive à découvrir d'urgence car demain sera, peut-être, un autre jour. |