Un peu comme en cuisine, où la tarte aux pommes côtoie la gelée de cidre moléculaire sur mousse végane, en musique, vous trouverez la génération cithare et la génération casquette sur un même album, comme celui-ci : Athènes ? conçu par Schvédranne.

Schvédranne, c’est la rencontre palpable du passé qui a fui et du futur qui n’est pas encore là : Gilles-Bernard Vachon et Antoine Colonna, un poète nomade, alphabétiseur et professeur de lettres, face à un visionnaire de la musique électronique. Deux âmes pour un album au titre chargé de sagesse et d’incertitudes.

Athènes ? serait un discours philosophique de l’expérience et des vicissitudes du monde, le ressac de l’univers et le va-et-vient des démocraties. Gilles-Bernard Vachon a ressenti l’oppression de l’occupation nazie. Il a vu l’opprobre jetée sur les populations collatérales des conflits armés. Il a aimé l’or et la nacre des matins d’Orient, voyagé sur les fleuves frémissants de nos contrées. Il observe le monde et les visages burinés des travailleurs.

A l’Europe, point de frontière, aux villes point de murs, à l’humanité point de limite… c’est ainsi que le sage nous pose la main sur l’épaule pour nous orienter le regard vers les injustices ordinaires et la misère quotidienne. Sans acoustique, pas de poésie, c’est Antoine Colonna qui façonne le décor des textes de Gilles-Bernard Vachon.

Entre glissements névrotiques et crépitements improbables, la musique est un mélange de tintements et de saccades, parfaitement synchronisés avec la voix de pédagogue, quelques grésillements organisés et des ballonnements désappointés pour lier le tout et donner à l’album la saveur unique d’un tajine aux brocolis.

"Tes quatre navigations ont charrié quatre siècles, et celui-ci, et nous voilà piégés, pétrifiés, reclus, bétonnés, as-tu rallié l’Afrique pour que ces blanches larves se fassent un collier de têtes crépues et mon âme mohicane scalpée ? Hein ! Predatorio. Je nous revois : le cirque, ces barnums, nos enfances, cinq ou six éléphants, poitrail dressé sur le croupion stoppé des autres. Voilà New York, la trompe levée, figée dans son cirque, et São Paulo, Shangaï, tous ces attrape-ciel bloqués…" ("Amerigo Vespucci")

Chaque morceau est une balade, une histoire, un récit, une escapade qui peut durer jusqu'à dix minutes et qui semble un peu courte, la fin donnant la désagréable sensation d’un retour à la réalité un peu brutal. Des sifflements, des tremblements, des mélopées vous restent comme un arrière-goût enchanté en fond de bouche.

Une expérience colorée et magique de deux mondes qui s’entrecroisent pour nous livrer un moment musical unique et majestueux. Distingué et sauvage.