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Patrice Chéreau  mai 1994

Réalisé par Patrice Chéreau. France/Allemagne/Italie. Drame historique. 2h39. (Sortie le 13 mai 1994). Avec Isabelle Adjani, Daniel Auteuil, Jean-Hugues Anglade, Vincent Perez, Dominique Blanc, Virna Lisi, Pascal Greggory et Miguel Bosé.

Sur grand écran, c’est bouleversant. Tant de visages, connus et inconnus, tant de couleurs, d’étoffes, tant de voix et de cris, tant de larmes et tant de sang. De sang, surtout, partout, projeté sur les murs, coulant lentement sur le sol, imprégnant peu à peu les vêtements.

Et au milieu de tout ce sang, il y a Margot, la reine belle comme dans un conte de fées, la petite fille perdue au milieu des ogres et des sorcières. C’est autour d’elle que s’organise l’opéra baroque et violent qu’est devenu, entre les mains de Patrice Chéreau, le long roman de Dumas.

"Le monde entier contre nous, le monde entier avec nous... " : la phrase pourrait être dite par Henri de Navarre, le roi protestant marié à la catholique Margot pour des raisons politiques. Devenus alliés, les deux époux doivent faire face à la famille vampirique des Valois, prête à tout pour conserver le pouvoir. Pourtant, c’est Danièle Thompson, scénariste du film qui la prononça *.

Elle décrivait ainsi le combat de plusieurs années mené de front par Chéreau pour faire aboutir ce projet titanesque qui lui tenait tant à cœur. Car "La Reine Margot" est bien le ambitieux de ses films.

On se souvient des portraits intimes - "L’homme blessé " (1983), "Intimité" (2001) - ou des histoires à trois personnages dans ses derniers films - "Gabrielle" (2003), "Persécution" (2009). "Ceux qui m’aiment prendront le train" (1998) réunira encore la fine fleur du cinéma français, déjà présente aussi dans "La Reine Margot". Mais rien de comparable avec la préparation qu’exige un film historique d’une telle ampleur.

Dans une très belle lettre lue par Pascal Greggory au début de la séance du 16 novembre 2016, ouverture de la rétrospective que la Cinémathèque française consacre au cinéaste et homme de théâtre, Patrice Chéreau disait son combat sur le montage, sa douleur à couper des scènes qu’il aimait, son amour des acteurs, aussi. Le film connaît en effet de multiples versions, de longueurs variables, passant de plus de 4h à finalement 2h30. Et sans doute n’en fallait-il pas moins pour développer, avec autant de fougue, les manipulations et complots divers qui sourdent au cœur du Louvre.

Comment raconter une histoire aussi tentaculaire, où, conformément au roman de Dumas, les péripéties s’enchainent à un rythme trépidant, où chaque nouvelle scène abrite un danger, où rien n’est jamais ce que l’on croit ? Tâchons tout de même d’en donner un aperçu.

L’histoire s’ouvre en l’année 1572. Protestants et catholiques se mènent une lutte ouverte. Afin d’apaiser les haines, la famille Valois donne en mariage la jeune reine Margot au roi de Navarre, Henri (Daniel Auteuil). Si les deux époux finissent par se comprendre et se respecter, ils n’en sont pas pour autant amants.

Margot s’éprend d’un protestant rencontré le lendemain de son mariage. Hyacinthe de la Môle, incarné par Vincent Perez, a la beauté délicate de la fleur dont il porte le nom. Et pendant ce temps, Charles IX, roi faible et manipulable (Jean- Hugues Anglade), devient l’instigateur, avec sa mère, la redoutable Catherine de Médicis (Virna Lisi), de la Saint Barthélémy.

Cette nuit tragique est le point d’orgue du film, son moment de bascule. Les destins se jouent et se dénouent. Et c’est aussi, sans doute, la partie la plus réussie du film. Dans une atmosphère de fin du monde, les hommes donnent libre cours à la violence brute qui les habite.

Arrachés de leur maison, passés au fil de l’épée, transpercés par la lance du duc d’Anjou qui jouit de cette chasse à l’homme, les protestants sont massacrés dans un combat inégal. Nul héroïsme dans cette boucherie, uniquement une longue suite de meurtres sauvages qui laissent au matin le goût du sang et la puanteur de la mort.

Cette violence sans nom est un écho sinistre, sans doute, aux meurtres de masses au Rwanda et en Ex-Yougoslavie ; l’enfouissement des corps sans vie dans des charniers évoque irrésistiblement les images de la Shoah.

Patrice Chéreau démontre avec brio son sens de la composition, recréant sous l’œil de la caméra des tableaux macabres emplis de corps dénudés, couverts de sang et noircis par la terre et la mort. Ces visions apocalyptiques et picturales sont d’une étrange beauté.

Mais bien sûr, c’est tout au long du film que ce sens de la composition se manifeste. Tableaux historiques, comme lors du mariage de Margot où la hauteur de l’Eglise et la multitude chamarrée des figurants offrent un spectacle impressionnant, tableaux de genre dans les rues de Paris, tableaux intimes, surtout, dans les appartements secrets de Charles ou dans la chambre de Margot.

La grande réussite de Patrice Chéreau, c’est cependant d’avoir su éviter tout maniérisme. Jamais le film ne se résumera à un livre d’histoire, à un illustré sur la cour de Charles IX. Car si tout y est très beau, tout y est aussi débordant de vie. Peu importe, au fond, l’exactitude historique, on peut être sûr que le roman de Dumas n’est pas exempt d’erreurs.

Ce qui compte beaucoup plus, c’est l’impression d’être immergé dans un monde, dans son quotidien surprenant et violent. Ainsi peut s’expliquer le traitement du personnage de Margot, par exemple. Loin de l’idée d’une reine intellectuelle, mécène des arts, Patrice Chéreau fait d’Isabelle Adjani une femme voluptueuse, qui parcourt au petit matin les rues de la capitale à la recherche de l’amour.

Poitrine palpitante, cheveux dénoués, les corps ne sont que vie et désir. Les orgies du Louvre comme les scènes d’amour entre Margot et de la Môle montrent des corps libérés, loin des représentations des cours d’histoire. Les robes et les chemises ne demandent qu’à s’ouvrir, révélant des beautés cachées. Mais ce corps, objet du désir - incestueux, dans le cas de Margot et de ses frères - est aussi sublimé dans la souffrance.

Ainsi, Patrice Chéreau compose une magnifique pieta où Isabelle Adjani, longs cheveux noirs et visage blanc, serre amoureusement contre elle le corps sanglant et christique de son amant, dans la très belle lumière de Philippe Rousselot. Ce traitement du corps est propre à Chéreau, qui avait par exemple proposé une version de "Phèdre" extrêmement charnelle : Dominique Blanc, folle de désir pour Hippolyte, découvrait le sein qu’elle lui ordonnait de frapper ; Pascal Greggory se couvrait le visage du sang de son fils, dont le cadavre - en infraction avec les règles du théâtre classique - avait été porté sur scène.

Le désir, la sexualité, la mort sont présents à chaque instant dans cette grande fresque intime, aussi effroyable que grandiose. L’or, le bleu, le pourpre se succèdent dans une composition baroque, où la passion emporte les êtres. Reine dépossédée, amoureuse transie, Adjani a encore quelque chose de l’"Adèle H". de François Truffaut. Le sens de l’absolu, sans doute.


 
* cité in Mathilde Blottiere, "Sur Arte, "La Reine Margot", de Patrice Chéreau, film monstr"», dans Télérama, 10/04/2016 :

Anne Sivan         
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