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Emin Alper  novembre 2016

Réalisé par Emin Alper . France/Turquie. Drame. 1h59 (Sortie le novembre 2016). Avec Mehmet Özgür, Tülin Özen, Müfit Kayacan, Ozan Akbaba, Mustafa Kırantepe et Yavuz Pekman.

Il n'y a pas que Nuri Bilge Ceylan dans le cinéma turc, le vrai, l'authentique. Pas celui réalisé par une élève de la Fémis comme le caricatural et césarisé "Mustang" de Deniz Gamze Ergüven qui montrait la Turquie fantasmée par les Occidentaux.

En 2012, on avait pu voir le premier film d'Emir Alper, "Derrière la colline" et on avait été saisi par ce qu'il racontait, et surtout par la manière dont il le racontait, dans une atmosphère que n'aurait pas renié Dino Buzzati, voire Julien Gracq. Il avait su insuffler un climat mystérieux de paranoïa qui gagnait peu à peu en intensité jusqu'à ce qui semblait improbable se profile...

Dans "Abluka", ce qui était suggéré dans "Derrière la colline" prend de la consistance. Ce n'est plus à des auteurs qui aiment fixer le flou qu'on pourrait se référer, mais à d'autres qui recourent à un fantastique plus noir pour saisir la folie qui envahit l'homme broyé par le chaos du monde.

On pense curieusement à des auteurs de l'Est de l'ère socialiste, comme Bohumil Hrabal, dont le roman "Une trop bruyante solitude" décrit un univers voisin d' "Abluka". On pense aussi à des cinéastes tchèques ou polonais, tels Wojciech Has dont le film "L'écrivain" fait aussi écho à l'oeuvre d'Emir Alper.

Le film est supposé se passer à Istanbul dans quelques années. Il y règne un climat de guerre civile et Kadir, interprété par l'extraordinaire Mehmet Özgür, est un homme brisé, emprisonné on ne sait pourquoi et qui obtient une simili-grâce à condition de devenir informateur pour la police...

Dès lors, il est relâché dans son ancien quartier devenu une espèce de bidonville où les ordures s'entassent. Il va devoir justement les "examiner" pour découvrir si elles ne recèlent pas des produits que les "terroristes" supposés noyauter ces zones périphériques que la police quadrille en vain, utilisent pour confectionner leurs bombes.

"Abluka" d'Emir Alper restitue superbement ce climat délétère, crépusculaire, avec des plans dans une obscurité seulement perturbée par les lumières jaunes des projecteurs de la police. Kadir ne semble pas avoir quitté sa prison. Dans la pénombre de sa maison ou dans celle des lieux où il rejoint le chef de la police, il affronte rarement la lumière du jour, elle-même bleuâtre.

Quand le film connaît des couleurs naturelles, ce n'est que pour filmer des tas d'ordures, ou des chiens errants que le frère de Kadir est chargé de tuer, puisqu'il est désormais interdit d'en posséder.

Kadir oscille entre ce petit frère qu'il croit lier à la guérilla et son grand frère, mythique et invisible, dont il ignore s'il est vivant ou mort, chef de la révolte ou victime de la police. Happé par son "travail" méticuleux à la recherche d'ordures "signifiantes", il sombre peu à peu dans un dédale de paranoïa mentale, dans un douloureux délire retranscrit par des images labyrinthiques où la réalité perd de sa substance.

Ce portrait d'un futur tout proche avec cette guerre civile qui ne dit pas son nom résonne fortement après le coup d'État de cette année. "Abluka" d'Emir Alper est de ses grands films qui anticipent l'histoire, et, contrairement au film précité qui a donné aux Occidentaux ce qu'ils voulaient voir, il dénonce par avance une espèce de fascisme a-religieux qui peut, certes, s'appuyer sur la religion, mais dont le but ultime est l'émergence d'une société orwellienne.

Formellement bourré de séquences virtuoses ; qui rappellent l'attrait avoué du cinéaste pour Kubrick, "Abluka" est un film puissant, dense, dans lequel éclate une fois encore le talent des acteurs turcs.

Derrière cette fable aux échos puisés dans le réel, on est en présence d'un grand cinéaste qui, avec intelligence et patience, met en place tous les éléments des thématiques qui devraient lui permettre de compter énormément dans les années à venir.

 

Philippe Person         
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