Comédie dramatique d'après un récit de Erwin Mortier, mise en scène de Philippe Awat, avec Philippe Awat et Pascale Oudot.
La mort de la mère, avec le sentiment de perte, le deuil et, parfois, de culpabilité quand elle intervient selon l'expression consacrée, "après une longue maladie", constitue une thématique récurrente des oeuvres culturelles qui, depuis quelques années, connaît une nouvelle déclinaison avec l'ampleur prise la maladie d'Alzeihmer.
Confronté à titre personnel à ce drame de la mort annoncée, dans lequel la disparition physique est précédée d'une progressive et irréversible agonie de la conscience, le comédien et metteur en scène Philippe Awat a trouvé dans le récit autobiographique de l'écrivain flamand Erwin Mortier une douloureuse résonance fraternelle qu'il porte sur scène de manière atypique sous le titre "Ma mère m'a fait les poussières".
En effet, d'une part, l'adaptation, réalisée en collaboration avec son homologue Guillaume Barbot, s'avère singulière dès lors qu'elle résulte dune hybridation entre le texte original et le vécu traumatique du comédien qui aboutit à une partition auto-référée.
D'autre part, si dans le cadre du théâtre d'incarnation, le comédien reprend "à son compte" les affects du personnage, en l'occurrence, l'identité se substitue à l'identification comme la catharsis à la mimésis et la représentation est nourrie de la réalité traumatique du comédien.
Erigée en ressort dramatique, la progression de la maladie, dont l'évolution clinique est évoquée sans pathétisme complaisant, devient le vecteur d'une partition sensible composée essentiellement de soliloques délivrés principalement en adresse au public.
Ceux-ci ressortent à la remémoration du traumatisme, au témoignage, à la prise de conscience de soi, le processus d'effacement au monde qui affecte la malade s'accompagnant d'un effacement de soi-même en tant qu'il existe par le regard et dans le souvenir de l'autre et surtout, à la seule résilience possible qu'est le cheminement mental qui conduit au temps retrouvé des souvenirs heureux.
Sur scène, Philippe Awat est le fils ravagé, l'homme prénommé Philippe pour qui le diagnostic tombe comme un couperet, annoncé par sa mère elle-même un jour de fête à la chaleureuse ambiance méditerranéenne, celui de son anniversaire, qui plonge la famille dans la sidération et le désarroi.
L'incompréhension, l'impuissance et la culpabilité irradient son esprit qui tourne à vide comme l'homme tourne en rond dans une irrépressible douleur. Et l'émotion saisit en raison de la fragilité pressentie de Philippe Awat sur le chemin de la reconstruction.
A l'instar de pauses musicales, les interventions ponctuelles de Pascale Oudot comme figure féminine réparatrice même si elle est directrice moulin à paroles avec son antienne pseudo-réconfortante, "Tout ce qui est là est encore là, et c'est bon à prendre", constituent de bienvenues incursions du réel tangible dans la bulle psychique du fils. |