Comédie dramatique de Jean-Caude Carrière, mise en scène de Audrey Sourdive, avec Fabien Floris et Pascal Loison.
Pièce à suspense en forme de huis-clos à deux personnages, "Le Circuit ordinaire" de Jean-Claude Carrière constitue un modèle du genre.
Tant par sa maîtrise dramaturgique et sa judicieuse concision, un format court qui évite notamment l'écueil du "ventre mou", que par son acuité sur une thématique intemporelle, celle de la délation institutionnalisée attachée aux régimes bureaucratiques du passé comme aux dystopies futuristes sans être toutefois exempte de résonance contemporaine.
Un militaire, qui exerce la fonction de commissaire de police, reçoit un dénonciateur professionnel, un "rapporteur" de longue date qui agit en informateur parallèle moyennant quelques subsides primordiales en temps d'économie de subsistance, pour instruire son dossier. Car, arroseur arrosé, le quidam fait à son tour l'objet de graves accusations.
A partir de cette situation qui confine à l'absurde et d'un interrogatoire qui évolue en confrontation, Jean-Claude Carrière a élaboré une partition machiavélique à la construction époustouflante sur le mode échiquéen du jeu du chat et de la souris, et au dénouement aussi inattendu qu'imprévisible, même par le spectateur le plus sagace.
De plus, il procède, par illustration incarnée, à la dissection du mécanisme de la délation comme outil de gouvernance, la détention d'informations étant le noeud de la guerre, l'arme du totalitarisme et l'instrument de la tentation sécuritaire, à l'analyse de la culpabilité universelle et au décryptage des motivations du dénonciateur.
Un décor minimaliste, un bureau et quelques armoires administratives en trompe-l'oeil, la mise en scène sobre de Audrey Sourdive et le jeu juste des comédiens qui opèrent en parfait binôme, concourent à la réussite de ce spectacle
Raideur de bon aloi, froideur glaçante de celui qui manie le couperet, Pascal Loison campe parfaitement l'un des rouages de la toute puissance étatique. Profil bas, louvoyant entre soumission et culpabilité, Fabien Floris excelle dans le rôle tout en nuances du rapporteur.
Donc à voir absolument. |