Dick Annegarn est quelqu’un à part. Voilà, une fois que c'est dit, tout est dit. Tout est particulier chez le bonhomme. Je ne vais pas passer des heures à essayer de décrire sa voix, son accent, sa diction, il faut écouter.
Voilà 40 ans que j'essaie de pointer ce qui me fait apprécier toutes ses réalisations pourtant si loin de ma musique de prédilection. J'ai bien quelques pistes, d'abord cette fausse continuité. Là où le profane ou l'habitué à la soupe des mass-médias ne verra qu'un fatras de chansons peu différentes, l'amateur reconnaîtra chaque morceau à l'atmosphère de chaque album. Là où les mêmes soupistes trouveront les paroles naïves, enfantines, d'autres relèveront les subtils indices qui ouvrent d'autres portes. Des portes différentes à chaque écoute.
Le bonhomme aussi, jamais fixé ou emprisonné dans un style. Il refuse d'ailleurs de répondre à la question ; ce n'est pas à lui de se définir. Dick a connu des traversées du désert pour ne pas avoir accepté de se laisser cataloguer. Quand on lui demandait de se percer les oreilles pour "faire plus hippie" par exemple. Le gars commet ce qu'il veut, quant il veut, une bonne raison de l'apprécier.
Enfin, mon amour est consécutif à une histoire personnelle. J'ai découvert Dick Annegarn vers la fin des années 70, je me rappelle plus exactement le morceau qui m'avait accroché à l'écoute de je ne sais quelle radio, mais j'avais décidé d'aller le voir en concert au Parc Chanot à Marseille. Oui mais voilà, j'ai toujours été d'un naturel distrait et je me suis pointé deux jours avant. Il y avait bien un concert, d'un gars complément inconnu, dont je ne connaissais pas du tout la musique : il s'agissait de Rory Gallagher et du blues qui depuis accapare une bonne partie de ma vie musicale. Je n'ai jamais vu Dick Annegarn en concert.
Ne cherchons donc pas à cataloguer. On est dans la variété, dans le sens le plus noble du terme. Au top de la variété même. Ce n'est pas pour rien que ses textes sont repris, avec plus ou moins de bonheur, par les plus grands. Bashung s'est frotté à "Bruxelles" par exemple (on est dans le bonheur là).
Il y a un fait frappant dès la pochette de l'album : le rire franc et massif de Dick Annegarn en gros plan. C'est la deuxième fois ; pour retrouver un tel affichage de joie de vivre sur une pochette d'Annegarn, il faut revenir au tout premier album, celui de ses premiers succès, "Sacré géranium", "Bruxelles", "Mireille"... Le parallèle est facile. J'ai eu la chance d'interviewer Dick Annegarn (interview à retrouver ici-même un peu plus tard), il le reconnaît sans peine. On a le même humour grinçant, la même verve ; les thèmes abordés et les histoires racontées ne sont pratiquement jamais réjouissants mais on en sort toujours avec le sourire aux lèvres.
Le premier morceau est un exemple frappant : "Roule ma poule" nous embarque dans un rythme qui balance, le ton est jovial, ça balance mais on parle d'un couple qui n'a pas assez d'argent pour se marier. Pour en fait pouvoir payer la fête indispensable à l'organisation de la cérémonie.
Annegarn n'est pas le genre à passer des mois et des mois en studio, aussi cet album, comme souvent, joue sur la simplicité. Pas d'esbroufe ni d'arrangements compliqués, juste quelques musicos impliqués, avares d'effets, créant des atmosphères vaporeuses ou des illustrations lumineuses (le violoncelle et la trompette m'ont envoûté).
La spontanéité se ressent, la décontraction aussi. Nombre de pistes sont d'ailleurs des "premières prises". Cette "coolitude" n'empèche pas la revendication comme dans "Luxembourg" par exemple ou le traitement de l'actualité dans "Tranquille", ode à la paix. Toutes les paix.
L'ensemble nous fait sortir "heureux malgré tout". Le morceau "Twist ensemble" est un modèle dans le genre. Un morceau qui fait taper du pied ou marteler la table pour ne pas faire monter le voisin du dessous. Un morceau a cappela à damner un bataillon de saints.
J'ai aussi écouté de multiples fois "Ma Mécène", un portait de femme malin et amoureux ou le duo avec Raphaël, ode à la solidarité.
Bref, au risque de se répèter sans fin, on est dans l'inclassable. Dans la vraie variété de qualité, avec du sens et du sentiment. De la zique qui prend aux tripes, tranquillement. On ne peut qu'attendre le prochain.
Encore un programme bien chargé et très éclectique au travers de notre sélection culturelle hebdomadaire. Beaucoup à lire, à voir, à écouter... alors ne perdons pas de temps. C'est parti pour le sommaire.