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puce Rétrospective Frank Capra - The Bitter tea of General Yen (La Grande Muraille)
Cinémathèque française  du 4 janvier au 27 février 2017

Pour beaucoup, l’œuvre de Frank Capra se résume à un titre : "It’s a wonderful life" ("La vie est belle", 1946). Frank Capra, cinéaste du bonheur, du vivre-ensemble, de l’Amérique solidaire et épanouie grâce à la solidarité, à la compassion et à l’amour ? Et pourtant, que raconte, pendant plus d’une heure et demie, "It’s a wonderful life" ?. L’histoire d’un homme qui voit passer devant lui ses rêves, comme des trains partant pour des destinations inconnues et dans lesquels il ne montera jamais.

De sacrifice en sacrifice, toujours attendant, toujours espérant, le personnage incarné par James Stewart aura besoin de l’intervention d’un ange pour ne pas sombrer dans les eaux troubles du désespoir. Au suicide, le héros de "Meet John Doe" ("L’homme de la rue" 1941) y pensera aussi. Comme Mr Deeds, son innocence et sa volonté de faire le bien l’ont empêché de voir qu’il avait été dupé, y compris par la femme aimée.

Et qu’en est-il des Mr Smith et Mr Deeds ? des hommes pleins d’un idéalisme béat, que le film vient in extremis conforter ? Pas si simple. En effet, l’apprentissage de la politique sera, pour le personnage de James Stewart comme pour celui de Gary Cooper, l’expérience de la désillusion et de la corruption.

Les grandes idées incarnées par Lincoln et la Déclaration d’indépendance sont quotidiennement foulées aux pieds. Comment oublier, alors, le regard perdu, le front trempé de sueur de Mr Smith, seul à la tribune, parlant pendant des heures ? Ou la haine qui, soudain, vient assombrir le bleu des yeux de Mr Deeds devant l’hypocrisie de ce monde ?

Il y aura toujours un moment terrible de désillusion, et si la solution vient, si le happy end miraculeusement a lieu, c’est presque toujours trop beau, justement, pour être vrai. De là naît l’émotion. De là naît aussi le doute et la mélancolie.

Aussi, sous une apparente simplicité, servie par une mise en scène tirée au cordeau, les œuvres de Frank Capra sont sans doute à redécouvrir, ne serait-ce que pour en approcher toute la complexité.

Parce qu’elles sont parfois très drôles, aussi : comment oublier la muraille de Jéricho de "It happened one night" ("New-York Miam"i 1934) où Clark Gable et Claudine Colbert se lancent dans un inénarrable road trip ? Il y a aussi la merveilleuse maison de fous de "You can’t take it with you" ("Vous ne l’emporterez pas avec vous" 1938), où la grande sœur fait des pointes tandis que l’oncle fabrique des feux d’artifices dans la cave.

Et à propose de caves, un vieux monsieur est justement en train de creuser le canal du Panama dans la pension de famille tenues par les aux deux empoisonneuses les plus charmantes du grand écran : j’ai nommé les deux vieilles tantes de Cary Grant dans "Arsenic and old lace" ("Arsenic et vieilles dentelles" 1938.

Dans un souci tout humaniste, elles ont décidé de supprimer, purement et simplement, les vieux messieurs solitaires qui passaient le pas de la porte. S’ensuit une série de rebondissements sur un rythme trépidant, où Cary Grant met encore une fois à contribution ses talents de comique gestuel.

Voilà, peut-être, pour les films les plus connus de Frank Capra. Seulement, un coup d’œil à la programmation de la Cinémathèque française, qui projette l’intégralité de l’œuvre du cinéaste, amène à un grave constat : il existe tant de films de Franck Capra à voir ! Le réalisateur a en effet commencé tôt sa carrière, et a signé des films dès la fin des années 1920. Aussi, nous avons du pain sur la planche !

"La Grande muraille" ("The Bitter tea of General Yen" (La Grande Muraille")
Réalisé par Frank Capra. Etats-Unis. Drame. 2h10. (Sortie1933). Avec Barbara Stanwyck, Nils Asther, Toshia Mori, Walter Connolly et Galvin Gordon.

Commençons donc par le film d’ouverture, "The bitter tea of General Yen". Donc, pour des raisons qui échappent à la logique humaine, le titre français est devenu "La Grande Muraille".

Et, oui, l’histoire se passe en Chine, ce qui justifie sans doute cette exotique appellation. Mais le pays est à feu et à sang, et Shanghai est un enfer où l’on meurt dans l’indifférence générale.

C’est dans cette atmosphère de panique, rendue avec un réalisme rare par Franck Capra (qui signera, dix ans plus tard, une série de films de propagande destinés à convaincre le public américain du bien-fondé de l’entrée des Etats-Unis dans la Seconde Guerre mondiale) que Barbara Stanwyck rencontre le fameux Général Yen.

Elle est une missionnaire américaine, fiancée à un médecin humanitaire et compte bien sauver le monde à ses côtés. Lui, le visage anguleux, le sourcil cruel ressemble à un fu-manchu sadique. Il écrase sans état d’âme un homme, tout en affichant une élégance rare.

Plus tard, Barbara Stanwyck accompagne de son fiancé falot qui a préféré aller sauver des orphelins plutôt que de l’épouser immédiatement. Grand mal lui en pris, car la courageuse jeune femme le perd dans la cohue. Elle est alors sauvée par le Général Yen, qui la garde prisonnière dans son superbe palais. Car sous ses dehors cruels, le cœur du Général bat pour la missionnaire.

Ainsi résumé, "The bitter tea of General Yen" pourrait n’être qu’une romance assez cliché dans un décor exotique. Et pourtant, le film se révèle être un magnifique mélodrame, d’une intense beauté visuelle.

On oublie vite les aspects les plus caricaturaux du récit - la représentation des Chinois, entre autres - pour se laisser séduire par une histoire d’amour qui, après tout, ne va pas de soi. Imaginer une liaison entre un Chinois et une Américaine n’est pas chose courante dans l’Amérique des années 1930. Aussi peut-on aisément deviner la tournure tragique que prendront les événements.

Franck Capra rivalise avec Joseph von Sternberg pour recréer un monde fantasmatique, une Chine à la fois enivrante et mystérieuse. Bien sûr, on ne peut que louer la beauté des décors, le goût du détail minutieux. Mais ce qui frappe surtout, c’est la manière dont Franck Capra utilise ce décor pour sculpter ses plans.

Magnifiant les visages, emprisonnant les corps, le décor ne se réduit jamais à une illustration. Une chaise dessine un halo de lumière autour de la tête de Barbara Stanwyck, tandis que, dans ses ultimes moments, le Général Yen est entouré d’une sphère lunaire.

Cette atmosphère à la fois opulente et morbide concourt bien sûr à mettre l’érotisme au centre du film. Car l’érotisme est partout, d’une petite chaussure de soie confiée en secret, aux jambes plusieurs fois découvertes de l’héroïne, offertes aux regards du Général et du spectateur.

Le personnage de Barbara Stanwyck résiste d’abord à cette séduction érotique avant d’y succomber. A la lumière de la lune, les soldats rencontrent les prostituées, et elle devient à son tour spectatrice des danses amoureuses qui se déroulent sous ses fenêtres.

Dans ce monde, tout est à l’image du Général Yen : ambigu et trouble. Dans une rêverie fantasmatique de la jeune femme, il apparaît tour à tour en Nosferatu et en chevalier blanc, arrachant ou obtenant selon le rôle les faveurs de l’héroïne.

De même, son palais est une demeure luxueuse, où tout n’est que recherche du beau. Mais au doux murmure des fontaines se mêlent les cris des hommes qu’on fusille sous les fenêtres. Et, comme dans un conte d’Edgar Poe, la mort finira par rentrer dans le palais et prendre son dû.

"The Bitter tea of General Yen", qui s’ouvrait sur une foule paniquée fuyant la guerre, fait peu à peu disparaître le monde extérieur pour laisser les deux personnages principaux livrés à eux-mêmes dans un palais abandonné, transformé en tombeau magnifique dans lequel les amants peuvent se retrouver pour une ultime étreinte.

 
 

Anne Sivan         
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