Parce qu’avec les Froggy, c’est Noël toute l’année, voici un nouveau petit cadeau : une question posée lors de l’interview des Fatals Picards que nous n’avions tout d’abord pas retranscrite. "Pourquoi ?" nous direz-vous. Euh… parce que. Mais voilà, après tout, puisque chez les Froggy, on n’aime rien laisser de côté, pourquoi ne pas en effet donner les conseils BD de Billy et de Paul ?
Si, abandonnés sur une île déserte, vous deviez amener une bande dessinée, qu’amèneriez-vous ?
Paul Léger : Moi, sans hésitation, je prendrai un Gaston. N’importe lequel dans les vraies séries à l’ancienne (celles que tu ne retrouves plus maintenant parce qu’ils ont tout redécoupé). Gaston, parce que je suis un vrai fan de BD. Même une BD en one-shot, une page, même si tu connais la chute, eh bah tu rigoles quand même.
Laurent Honel : C’est vrai que dessiner comme Franquin en termes de dynamique…
Paul Léger : Tu ne rigoles pas à toutes les blagues mais il y en a… comme Calvin et Hobbes par exemple. Tu connais la finalité de la blague, mais tu rigoles quand même. Même après l’avoir lue quinze fois.
Laurent Honel : La philosophie Gaston est quand même géniale – on en parlait l’autre fois…
Paul Léger : Le mec, il est allergique au mot "effort", quoi !
Laurent Honel : Non, il est allergique aux mots "effort imposé", c’est-à-dire qu’il est capable de déployer des trésors d’inventivité 24h sur 24 pour défendre une idée totalement farfelue…
Paul Léger : pour faire un objet-délire. Mais en même temps, pour aller trier des trucs, il s’en bat l’œil.
Laurent Honel : Mais au sein d’un système extrêmement hiérarchisé, avec un patron ; Gaston, pour moi, c’est le rêve absolu, il a tout compris !
Paul Léger : L’anti-héros, quoi !
Laurent Honel : C’est-à-dire qu’on peut donner sa vie, son sang, sa sueur, ses larmes…
Paul Léger : Pour un truc qui vaut vraiment le coup.
Laurent Honel : Voilà, qui nous plaît.
Paul Léger : Mais pour aller ranger des feuilles, non.
Laurent Honel : Et ça c’est bien. Après moi, je prendrais peut-être Philémon de Fred parce que ça m’a appris, quand j’étais gamin…
Paul Léger : On a dit une !
Laurent Honel : Ouais, bah ce serait Philémon. Toi, tu prends Gaston, moi je prends Philémon, on se les passera ; ton île, elle ne sera pas loin de la mienne. Comme ça on se les jettera.
Paul Léger : Tu veux pas qu’on prenne une meuf ou deux aussi ? Ou un bar à cocktails ?
Laurent Honel : Ou un manuel de construction de radeau !
Paul Léger : Non, mais un Gaston, je pense.
Laurent Honel : Et moi Philémon de Fred, parce que ça m’a appris des trucs surréalistes, qu’il peut y avoir des arbres à bouteilles, qu’on peut passer d’un puits à un autre pour voyager sur les lettres du mot Atlantique… Qu’il existe un autre monde, un monde plein de rêves, et que c’est tout aussi valable en fait.
Et parmi les auteurs récents ?
Laurent Honel : Larcenet ! On a écrit deux chansons sur lui, enfin inspirées de son travail : "Le retour à la terre" et "Le combat ordinaire".
Paul Léger : Il y a un mec qui s’appelle Modou que j’aime beaucoup. Il a bossé avec le Collectif 113 sur les DoggyBags, les machins comme ça : un mec qui dessine bien et qui est dans une ambiance un peu… Je résume, hein… comme dans le film où quand ils arrivent, à la fin, il y a que des vampires dans une boîte… Comment ça s’appelle ?
Laurent Honel : Ah, From Dusk till dawn… Une nuit en enfer. Je l’ai vu en espagnol et en anglais ce film-là.
Paul Léger : Voilà, Modou, c’est un dessinateur que j’aime beaucoup, et dans les récents, effectivement, Ron. C’est un mec à peu près de notre génération qui pioche dans toute l’ambiance hip-hop des grafs, qui mélange ça avec les zombies, les trucs… Et j’aime bien dans les BD quand tu as des cahiers graphiques au début, à la fin, quand il y a des esquisses de bonhommes…
Laurent Honel : Et il y a le truc sur Joséphine Baker que tu as aimé, non ?
Paul Léger : Ah oui. Mais pour moi, Ron, je pense que c’est bien. J’aime la BD aussi en tant qu’objet, et Ron, que ce soit la jaquette, la couverture, même au niveau du ressenti, du toucher de la couverture… c’est gaufré, tu vois, c’est bien fait. J’aime les mecs qui prennent du temps pour faire les titres, pour faire cette BD sponsorisée par le Secours Catholique, de la sponsorisation des BD… j’aime beaucoup.
Et ce que j’aime aussi énormément dans la BD en ce moment, c’est cette idée géniale qu’a eu Dupuis de donner carte blanche à n’importe qui pour faire un Spirou. Tous les hors-séries de Spirou qu’ils ont fait – le Spirou de Trondheim, le Spirou de Schwartz, le Groom vert-de-gris et tous les hors-séries des Spirou – ce sont des trucs de ouf.
Moi, Spirou, avec ma fille qui a dix piges, ce sont des trucs qu’on aime. Tout à l’heure on s’est relu Spirou à Moscou, qui est un récent fait par Tome et Janry, qui ont fait aussi Le Petit Spirou (qui est un truc de ouf, le Petit Spirou c’est génial. Là maintenant, ils arrivent en fin de cuve parce qu’ils ont sorti dix-sept tomes, mais tu prends les dix premiers tomes des Petit Spirou et tu te marres.) Spirou et Fantasio, Spip, le Comte de Champignac… Je suis dans mon pieu, je ne suis pas bien, et puis je prends ça, et c’est bon je suis parti ! Je suis dans un cocon et en trois pages je m’endors. Juste voir le Comte de Champignac, Spirou qui arrive... Ca a un côté presque maternel, tu es en position fœtale et tu lis Spirou ! Spirou, pour moi, c’est le truc qui t’endors tranquille.
Et vous dessinez ou pas du tout ?
Laurent Honel : Mal.
Paul Léger : Moi je dessine très mal. Mon frère dessine très bien, c’est un fan de BD américaine.
Laurent Honel : C’est un regret, je pense. Si l’un de nous était vraiment un tueur en dessin, on aurait pu faire un chouette truc en termes de BD parce que pour le scénario ne nous aurait pas posé de problème…
Paul Léger : On aurait fait des scénar’. J’ai fait des scénar’, avec mon pote Jackie qui a sorti deux BD à compte d’auteur qui sont biens. Genre "La véritable histoire de Dieu", où Dieu invente des trucs (genre la chiasse par exemple).
Laurent Honel : On voulait écrire le prochain scénario d'Astérix aussi, on a dit qu’on le ferait.
Paul Léger : Et puis un Calvin et Hobbes aussi, sauf que Calvin, ce n’est pas un tigre qu’il a, mais une poupée barbie Hawai, et en fait quand ses parents ne sont pas là, elle est vivante et elle essaie de le sucer. Dès que ses parents ferment la lumière : "Ah mais elle a réessayé de me sucer !". C’était très drôle. Voilà. J’avoue que le soir, je ne lis pas un bouquin, parce sinon je lis, je me mets dedans et je ne dors pas.
Laurent Honel : Il a un stock librairie dans le camion.
Paul Léger : Et puis je connais plein de gens qui en font, c’est vraiment du boulot de ouf. J’aime bien Oko aussi.
Laurent Honel : Moi les trucs récents…
Paul Léger : Ce sont beaucoup d’artistes indé. Dans les mainstreams, j’aime les Spirou et Fantasio, les machins et tout. Ce qui est bien, c’est que tu vas dans les librairies, tu as des fascicules avec beaucoup d’extraits de BD gratos, maintenant avec internet tu peux aller voir. Je suis abonné à Spirou-Magazine. Bon, c’est pour les minots et tout, mais tu as plein de trucs.
Laurent Honel : Catet et Vauquiez.
Paul Léger : J’aime la BD un peu trash.
Laurent Honel : Moi j’adore Robert Crumb.
Paul Léger : Crumb aussi !
Laurent Honel : Le dessin de Crumb me fascine. Comme Gotlib ou Franquin, ce sont des dessins, quand tu les regardes, tu te dis : "mais comment c’est possible de faire ça ?". Tu as envie de les bouffer, en fait.
Paul Léger : L’Italien qui parle comme ça !
Laurent Honel : Et Crumb en plus a un rapport avec la musique qui est vachement fort. Il a illustré beaucoup de bluesmen. Moi je me souviens avoir découvert l’histoire fantasmée de Robert Johnson en lisant Crumb, qui parle de son pacte avec le diable, et puis son rapport aux femmes, la manière dont il les dessine, ses perversions les plus délirantes…
Paul Léger : Edika aussi !
Laurent Honel : Son rapport à l’Amérique…
Paul Léger : Edika, c’est débile, franchement c’est génial. Il y a des BD qui ne sont pas réservées à tout le monde. Je connais des gens, tu leur prêtes des Edika ou des Gotlib, ils les lisent et ils disent : pffff, ouais. Et en fait, c’est clair ils n‘ont pas compris.
Laurent Honel : Son truc sur le fonctionnement du pigeon…
Paul Léger : Ouais, ou quand Gotlib il te fait en deux pages le dixième, le troisième degré. Et puis tu arrives au 133ème degré.
Laurent Honel : Les Leçons de cinéma aussi.
Paul Léger : La BD humoristique permet vraiment de cerner quelqu'un.
Laurent Honel : Les idées noires de Franquin !
Paul Léger : Un mec que tu ne connais pas…
Laurent Honel : Genre moi.
Paul Léger : Voilà. On est Gotlib, Calvin et Hobbes, Gaston... C’est bon.
Laurent Honel : Tardi, j’aime beaucoup.
Paul Léger : Mmmm...
Laurent Honel : Ouais mais j’ai découvert Adèle Blanc-Sec quand j’étais gamin… J’étais Parisien en plus, donc ça me parlait.
Paul Léger : J’aime lire aussi des trucs où tu dois lire, mais c’est vrai que mon rapport à la BD est vraiment beaucoup plus enfantin ! |