Comédie satirique de Hanokh Levin, mise en scène de Clément Poirée, avec Moustafa Benaïbout Camille Bernon, Bruno Blairet, Eddie Chignara, Louise Coldefy, Emilien Diard-Detoeuf, Laurent Menoret et Luce Mouchel.
"Vie et Mort de H, pique-assiette et souffre-douleur" est présentée par son auteur, le dramaturge israélien Hanokh Levin, comme une "comédie loufoque en deux actes avec un mariage presque réussi et un suicide presque raté".
H, dont le titre annonce la figure paradoxale, s'est installé à demeure en parasite chez de lointains cousins, les Boubel, qui supportent l'écornifleur, au demeurant caractériel, peu empathique ne suscitant guère la compassion, infatué de sa propre vacuité et, de surcroît, sans-gêne, vilaine verrue dans leur nickelé univers petit-bourgeois.
Car ils lui ont assigné le rôle de faire-valoir, traditionnellement dévolu au parent pauvre recueilli, qui ressort au mépris pour celui qui sert de mètre-étalon du bonheur et rassure car "il n’est pas et ne seras jamais aussi heureux qu'eux".
H s'accommode avec dédain de cette situation jusqu'au jour où, dépité de n'être que tardivement informé du mariage de la jeune fille de la maison pour laquelle il nourrit un doux sentiment, il se révolte en annonçant son suicide programmé le jour même des noces, à l'issue de la cérémonie. Non point tant par désespoir amoureux que pour gâcher la fête. Mais c'est sans compter avec l'autocentrisme ambiant.
Dans cette pièce de jeunesse écrite en 1972, Hanokh Levin aborde déjà, sous l'angle de la satire burlesque et un de ses futurs registres de prédilection, celui de la farce cruelle, les thématiques, qui deviendront récurrentes, du suicide comme argument métaphorique, du rapport de domination-soumission qui régit les relations humaines et du pandémonium conjugal et familial.
Ainsi, sous l'oeil d'un gardien du temple et du droit élémentaire des gens heureux qui est éde voir malheureux les malheureuxé (Emilien Diard-Detœuf), H (Bruno Blairet) est humilié par les Boubel eux-même asservis par leur tyranique fille Fogra (Camille Bernon), future Shpratzi Shitz, qui a déjà mis au pas son fiancé (Moustafa Benaïbout).
Dans le décor blanc clinique de Erwan Creff, une déclinaison d'espaces vides en forme de cross-training dépourvu de tout accessoire mobilier mais pourvus de multiples portes qui ne claquent point tant qu'elles tournent et volent, la mise en scène de Clément Poirée ressort à un genre théâtral surprenant, celui d'un vaudeville bipolaire soumis à des variations de rythme d'une large amplitude, de l'excitation à la catalepsie, qu'il qualifie de "théâtre de gestes".
Ainsi la partition de cette comédie de l'existence sur l'incapacité au bonheur offre de jubilatoires numéros d'acteur à une troupe épatante et efficace et s'avère propice à des scènes d'anthologie telle celle des conjugalités énamourées de Boubel (Eddie Chignara truculent en personnage d'opéra-bouffe) et Emnopée (Luce Mouchel caricature inspirée de Barbie bourgeoise) pour qui le couple n'est pas encore une laborieuse entreprise.
Et celle du "speed-dating" raté entre des laids, précurseurs de Menschel et Romanska, la disgracieuse Hannah Fritz (Louise Coldefy, une belle enlaidie) et l'horrible hyponcondriaque asthénique Adash Bardash (Laurent Ménoret à l'allure, avec cheveux et ongles démesurés, d'un Fu Manchu échappé du Grand Guignol).
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