Sacrée reine du polar féminin français, Fred Vargas est devenue un auteur-culte dont les fans attendent avec frénésie la moindre ligne qu'il s'agisse de ses romans policiers ou de ses soliloques logorrhéiques (comme par exemple "Critique de l'anxiété pure").
Car en effet, la lecture de sa prose conduit très vite à l'addiction. Par sa manière de dresser des portraits d'anti-héros par excellence et son verbe familier qui sait attribuer aux personnages une humanité et une proximité qui, tout compte fait, ne sont pas vraiment si limpides qu'on le croit.
Sa dernière production, aux confins du conte symbolique et du roman policier, Sous les vents de Neptune, est un beau prétexte à nous raconter des histoires. Car ce roman fourmille d'histoires qui se croisent, s'interpénètrent et sont uatant de digressions tressées autour de la ligne narrative initiale. Autant d'histoires que de personnages, voire plus. Rien de linéaire là-dedans. Comme sous une rafale de vent, tout tangue et chavire pour partir dans toutes les directions. Un mot en entraîne un autre et tout se chevauche, s'imbrique.
Et roman à deux lectures aussi. Deux lectures aux antipodes : un roman profond, oppressant, très noir, qui, toutes proportions gardées, s'inscrit dans la lignée des Léo Mallet et Simenon, peuplés de personnages pittoresques tout droit sortis d'un film intemporel en noir et blanc – on pense inévitablement au Grand sommeil d'Howard Hawks - à se demander même si l'intrigue et son dénouement ont une quelconque importance ou une jolie fantaisie à la façon des feuilletonistes du 19ème avec un goût immodéré pour les clichés de l'époque (l'assassin immortel, l'innocent injustement condamné, l'amnésie d'un suspect au moment du crime, Docteur Jekyll et Mister Hyde) sur lesquels se greffent des composantes plus contemporaines avec le serial killer au trident, le séminaire sur la recherche scientifique des preuves.
Comme toujours, le roman démarre avec l'irruption dans un univers tranquille et banal du petit grain de sable qui va parasiter la machine. Le désormais fameux commissaire Adamsberg en partance pour un séminaire au Canada somatise. Oh certes pas de la peur du crash aéronautique comme son second Danglard, mais parce qu'il est assailli de réminiscences douloureuses.
Mais après qui court le commissaire Adamsberg ? Après lui-même, son double ou cet assassin dont on ne sait s'il est le double, le frère ou un avatar de Jack l'éventreur. Un travail d'introspection quasi psychanalytique sur la mémoire, une variation sur Eros/Thanatos autour de la gémellité ainsi que de la scène primitive revisitée à la recherche de sa part d'ombre
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