"Eloge de la passion", entendre passion amoureuse, de Carlotta Clerici, ne ressort pas à l'essai sur une approche philosophique ou intellectuelle ni même à un éloge personnel fondé sur un vécu individuel mais le récit homodiétique de la passion qui a bouleversé la vie de la narratrice.
Celle-ci est relatée en de nombreux chapitres chronologiques relativement brefs, parfois une demi page ponctuée de soliloques évoquant la forme du journal intime.
Pour Mathilde en villégiature dans la demeure familiale au bord du lac de son enfance, cette passion naît, de ce qui ne pourrait être qu'une torride aventure de vacances, dans un contexte de crise de la quarantaine et de crise de couple.
Issue d'une classe aisée et douée pour la musique, musicienne et compositrice inspirée, elle a vécu pleinement sa jeunesse avant de "se ranger" à la trentaine, tant sous la pression sociale que celle de l'horloge biologique, avec un mariage sans conviction et une maternité sans vocation.
Après dix années de relatives concessions et de confrontation avec le quotidien conjugal, alors qu'elle se retrouve en quête autocentrée d'épanouissement personnel et de liberté, comme un signe du destin, la rencontre avec Francesco un séduisant quadra photographe-reporter qui demeure de l'autre côté du lac, l'autre et l'ailleurs, cristallise ses aspirations et déclenche un sentiment obsessionnel, violent et destructeur.
Cette passion qui simultanément l'embrase et devient sa seule raison de vivre n'aura pas le temps de se consumer que, très vite, lui vogue vers un autre rivage. Alors comment vivre, survivre, revivre à l'effondrement psychologique qui en résulte ? Mathilde aura la chance, après la tentation du suicide et une grave somatisation, de pouvoir user de la sublimation par l'art en se consacrant à la musique.
Carlotta Clerici décline, de manière qui semble autofictionnelle, les thématiques de prédilection de son oeuvre théâtrale - la nostalgie de l'enfance ("L'Envol"), la crise de la quarantaine, l'érosion des sentiments, la fragilité de l'état de bonheur ("C'est pas la fin du monde"), le désenchantement et l'ultime pulsion de vie qui écarte le désespoir ("Le grand fleuve") - et livre un portrait sensible d'une femme contemporaine confrontée au principe de réalité. |