Comédie de Philippe Claudel, mise en scène de Morgan Perez, avec Caroline Sihol et Philippe Magnan.
De retour de soirée, un couple de quinquagénaires, Elle et Lui, à minuit, non pas l'heure du crime mais celle du jeu de la vérité,
Telle est la situation de "Parle-moi d'amour", premier opus théâtral de l'écrivain et réalisateur Philippe Claudel, dans lequel il décline un des topoï du théâtre de boulevard, celui de la scène de ménage, dans une variation modernisée de "La peur des coups" de Georges Courteline.
Et en pleins feux cruels sur la bêtise, la médiocrité, la vulgarité, et la suffisance ampoulée de deux plébéiens ayant certes accédé au statut bourgeois mais à jamais englués dans une indécrottable et beaufitude poujadiste.
Et le naturel revient au galop en privé, quand le vernis craque, entre Elle, ex-soixantehuitarde baba-cool, avec vie communautaire et gourou, reconvertie en amateur d'art contemporain, et Lui, fils de la campagne et étudiant laborieux, matamore au petit pied grisé par son statut d'énarque vivant dans le 7ème arrondissement parisien et son patrimoine éligible à l'ISF.
Un mot suffit à ouvrir la boite de Pandore de leurs rancoeurs et mesquineries pour une reddition de compte acide sur tout et n'importe quoi. Quant aux récriminations spécifiquement conjugales, elles virent à la bataille de chiffonniers avec vocabulaire "ad hoc".
Et cette danse de mort customisée par des "bidochons" dure, aucun des protagonistes ne faiblit et leur résistance laisse accroire qu'ils sont rompus à cet exercice et qu'elle constitue leur façon de fonctionner et peut-être, comme le suggère le titre de la partition, de s'aimer.
A la mise en scène, Morgan Perez dispose de peu de latitude pour ordonner une dynamique scénique en raison d'un pseudo-canapé envahissant, et de surcroît impraticable, placé au centre de la scène et participant d'un décor peu inspiré.
Dans ce véhément match en un round sans KO qui flirte avec les confessions intimes du magazine télévisé éponyme dit "de société", Philippe Magnan semble un peu embarrassé tant dans son costume de notaire mafieux que dans une partition dans laquelle son art consommé du pince-sans-rire mid-tempo peine à se déployer.
Reprenant le rôle qu'elle tenait lors de la création de la pièce en 2008, la diaphane Caroline Sihol, dont l'élégance et la classe naturelle en diorissime robe corolle se télescopent avec la crudité des propos tenus par son personnage, maîtrise ce contre-emploi avec une patente jubilation.
Et les rires, sans doute parfois "jaunes", du public atteste de la justesse de la satire et de l'efficacité de la charge comique dispensée par ces comédiens aguerris. |