Il serait tentant de penser qu’il est assez facile d’interpréter la musique de Philip Glass. Or, il n’en est rien, bien au contraire. La musique du compositeur Américain laisse à son exécutant une grande part de liberté, ou en tout cas laisse certains champs libres dans l’interprétation. Et c’est là qu’est le piège. On ne peut jouer cette musique de manière rectiligne et minimaliste, et si Philip Glass tend vers un nouveau mélodisme au rythme pulsionnel et vers un néo néo-romantisme (entre Schumann, Brahms et Chopin) dans sa façon de concevoir les lignes mélodiques, il faut également éviter de sur jouer ce côté romantique en rajoutant du pathos là où il n’y en a pas.
Tout comme Arturo Stalteri, Michael Riesman, Nicolas Horvath, Bruce Brubaker, ou Dennis Russell Davies, Vikingur Ólafsson transcende l’œuvre de Philip Glass. Jeune pianiste Islandais diplômé de la Juillard School, Vikingur Ólafsson, dédicataire de plusieurs concertos pour piano nous avait montré de très belles choses chez Chopin, dans les visions fugitives de Prokofiev, chez Messiaen (avec un très beau programme autours des oiseaux avec des pièces de Rameau, Ravel, Schubert…) et il continue de nous impressionner dans ces études.
Chez Glass, la musique bouillonne presque dans l’inconscient, dans le subjectif, dans cette façon d’avancer en spirale, éclate dans cette nouvelle façon d’imaginer le contrepoint, comme une juxtaposition bien plus violente qu’il n’y paraît d’une section rythmique radicalement répétitive et minimaliste à des mélodies aériennes et lumineuses. Une manière de concevoir la musique que le pianiste Islandais met en valeur avec beaucoup de sensibilité et de virtuosité, de musicalité, un superbe phrasé et un touché incroyable (certaines notes claquent littéralement) et avec une vraie pertinence dans le choix de l’interprétation (ces mouvements brahmsiens dans les études numéro 6 ou 14 par exemple) ou dans sa coloration rythmique.
Par contre, nous serons nettement moins enthousiaste sur les versions réarrangées par Christian Badzura qui, trop cousues de fil blanc, trop scolaires, n’apportent rien à la musique du compositeur Américain. Il n’empêche que ce disque est excellent, il devrait être un tournant dans la carrière du jeune pianiste, et pourrait faire date dans les interprétations des œuvres pianistiques de Philip Glass. |