Comédie dramatique d'après la trilogie romanesque éponyme de Herbjørg Wassmo, mise en scène de Lucie Berelowitsch, avec Armande Boulanger, Jonathan Genet, Thibault Lacroix et Malya Roman.
Sur la grand serre translucide imaginée par Pierre-Guilhem Coste, et qui occupe tout le fond de la scène, une des Dina trace des lettres blanches. "Il manque un cheval" pourra-t-on lire quand elle aura terminé. S'il manque le cheval blanc qui apparaissait lors du Festival des Boréales à Caen, "Le Livre de Dina" n'en demeure pas moins un récit épique exhalant un souffle puissant, celui des grandes sagas et des histoires âpres, celui des grands espaces enneigés et solitaires du Nord boréal. Quand on découvre l'univers d'Herbjorg Wassmo, une des plumes norvégiennes les plus célèbres, par l'intermédiaire de la mise en scène foisonnante de Lucie Berelowitsch, on s'en veut de ne pas avoir - encore - plongé dans cet univers post-biblique. Comparaison n'est pas raison, mais on a l'impression en découvrant l'adaptation de Lucie Berelowitsch de la même puissance surréelle que certains maîtres sud-américains, tels Gabriel Garcia Marquez avec "Cent ans de solitude". Difficile, voire inutile, de résumer une trilogie romanesque narrée au pas de charge et incarnée avec puissance par quatre personnages, deux féminins et deux masculins. Les deux femmes sont toutes les deux Dina, la "Femme" avec un immense "F" qui a quelque chose d'une Scarlett O'Hara qui aurait un appétit décuplé pour son domaine et centuplé pour les hommes.
Pétroleuse, rebelle, le cuir dur, Dina est la Calamity Jane d'un "Eastern" mythique. Elle a la sensualité enfantine et musicale d'Armande Boulanger, tout de blanc vêtue, et la rudesse pulpeuse de Malya Roman, tout en noir, et vouée à la mort. Elle fait écho à la "Lucrèce Borgia", jouée par Marina Hands dans la version donnée à l'Athénée par Lucie Berelowitsch où étaient déjà présents Jonathan Genet et Thibault Lacroix, ici, père et partenaires de Dina. Eux aussi semblent sortis d'une ruée vers l'or dans un album de Blueberry, le premier, visage émacié, a le staccato d'un Stanislas Nordey appliqué, le second, alter ego de Vincent Macaigne, porte en lui le fatum d'un éternel Antonin Artaud.
Tout comme on avait trouvé un côté "Matrix" à sa "Lucrèce Borgia", "Le Livre de Dina" de Lucie Berelowitsch penche vers la bédé voire vers le story-board. On a l'impression paradoxale qu'elle aime les moments où l'action fait place à la composition photographique, à l'arrêt sur images. Elle en profite alors pour se risquer sans filet à ces élans lyriques qui fourmillent dans les grandes œuvres vraiment populaires.
Certains penseront qu'elle devrait encore plus lâcher la bride et foncer vers un genre qui n'attend qu'elle : le mélo, peut-être même celui qu'on qualifie de "flamboyant". "Le Livre de Dina" est une étape de son travail à découvrir en attendant qu'elle s'empare totalement d'autres genres et trouve son style propre encore en gestation. |