Monologue poétique d'après l'oeuvre éponyme de Arthur Rimbaud dit par Jean-Quentin Châtelain dans une mise en scène de Ulysse Di Gregorio.
Dans la petite salle du paradis, les brumes du purgatoire. Un cratère au sol (superbe scénographie de Benjamin Gabrié).
Soudain apparaît Jean-Quentin Châtelain, pieds nus, yeux mi-clos, la tête renversée en arrière dans un flot de lumière. Et bientôt jaillira un volcan de mots… Pour cette œuvre d’Arthur Rimbaud (la dernière avant "Illuminations", le jeune poète malade alors marqué à vif par sa rupture avec Verlaine décrit, fouillant dans ses entrailles en un texte d’une construction impressionnante et d’une prose hallucinée, les mille fulgurances d’une âme qui se consume. Combattant dans son élan poétique ses propres démons intérieurs, Rimbaud, génie en quête d’absolu, tiraillé de contradictions par rapport notamment à la religion, renouvelant le langage dans une nouvelle approche de l’être, retourne ses faiblesses en force et livre un texte essentiel d’où émane une force mystique. Depuis "Ode maritime" de Pessoa chez Claude Régy, Jean-Quentin Châtelain a goûté à la poésie et à l’immobilité pour en délivrer l’essence. Et il ne s’en détache plus. Comme pour le mémorable "Bourlinguer" de Blaise Cendrars où Ulysse Di Gregorio l’a apprécié et à la suite duquel il lui a proposé ce spectacle. Pour "Une saison en enfer", le jeune metteur en scène spécialiste de poésie a opté pour une prestation "performative" qui fait entendre et ressentir chaque nuance du texte dont on suit le cheminement de la pensée de l’auteur de jaillissement en jaillissement dans une approche on ne peut plus sensible. De sa scansion si singulière, le comédien, susurre à notre oreille les mots du poète et délivre en un travail hallucinant d’engagement toutes les subtilités de ce texte exigeant, bourré notamment de phrases énigmatiques à double sens. Il déploie sous nos yeux une énergie incroyable et totalement fascinante qui tient presque de l’hypnose.
"Une saison en enfer" est la rencontre de deux génies Arthur Rimbaud et Jean-Quentin Châtelain, orchestrée par un passeur de grand talent, Ulysse Di Gregorio. Immanquable. |