Réalisé par Alain Gomis. France. Drame. 2h03 (Sortie le 29 mars 2017). Avec Véronique Beya Mputu, Papi Mpaka, Gaetan Claudia, Nadine Ndebo, Elbas Manuana, Muambuyi, Leon Makola et Sylvie Kandala.
On connaît le cinéma d'Alain Gomis dont on a pu voir notamment "L'Afrance" (2001) et "Aujourd'hui" (2012).
On sait donc qu'il ne traitera pas le sujet qu'il a choisi comme un simple mélodrame tourné à Kinshasa et qu'il faudra accepter que son film oblique parfois vers une dimension onirique qui pourra nuire à la linéarité de son œuvre et la rendre plus opaque qu'elle pourrait l'être.
Cela dit, "Félicité" d'Alain Gomis est d'abord une plongée en immersion dans un Congo loin de tout folklore et ce qui s'y vit n'a pas pour fonction de montrer à un œil occidental une réalité africaine.
Simple histoire mais histoire racontée pour quelqu'un qui a les codes africains, "Félicité" c'est d'abord une espèce de transe musicale. Comme un blues ou une plainte féminine sortant des tripes d'une femme saisie soudain par le malheur. On pourrait plutôt écrire qu'elle est saisie par un nouveau malheur, qu'on la prend à un moment où lui tombe dessus une nouvelle tuile.
Avec une voix pareille, une manière si épidermique de chanter, Félicité a dû les accumuler toute sa vie, les déveines... Mais cette fois-ci, c'est la chair de sa chair qui est en danger.
Dans ce pays vénal et vénéneux, tout se paie cash et Félicité part dans une quête impossible pour sauver la jambe de son fils en trouvant l'argent nécessaire à son opération.
Et pendant ce temps-là, le ventilateur de son frigo fait des siennes et il faut bien le faire réparer par Tabu, le solide mécanicien. De quoi combattre le malheur par un peu d'amour ou par beaucoup d'amour ?
C'est la destinée chaotique de Félicité d'osciller entre deux chansons, une rythmée, une déchirante ; de passer d'un homme méprisable à un homme bon.
Félicité, c'est Véronique Tshanda Beya. Un physique et une voix. Une moue aussi qui porte ses colères et qui n'attend qu'une preuve de bonheur pour disparaître.
Le couple qu'elle forme avec Tabu ne répond pas aux créneaux du glamour hollywoodien et c'est tant mieux. "Félicité" d'Alain Gomis, que ce soit dans son écriture chantournée ou dans le choix de ses acteurs, cherche vraiment à faire du cinéma africain.
Porté constamment par la musique, par des musiques populaires ou classiques, "Félicité" est un chant à la femme, à la mère courage qui doit affronter chaque jour les épreuves insensées qui parsèment le quotidien des habitants des grandes capitales africaines. |