C’est l’histoire d’une maison d’édition pas comme les autres… Spécialisée dans la vente par correspondance d’ouvrages de luxe, principalement les grands classiques de la littérature, les éditions Rombaldi furent rachetées dans les années 70 par La Redoute, intéressée par la diversification de cette petite maison vers la bande dessinée.
Mais attention ! La Bande Dessinée avec un grand B et un grand D car les éditions Rombaldi négociaient avec ses homologues (Dargaud, Casterman, Dupuis, etc.) les plus grands noms de leur catalogue. Genre Hergé, Uderzo, Goscinny, Morris, Giraud, Gotlib et bien évidemment Franquin. Dit comme ça, tout de suite ça en impose !
Très rapidement, les auteurs adhèrent à l’enthousiasme du directeur des éditions Rombaldi, Henri Kaufman. Cet homme, passionné par la Bande Dessinée et ses auteurs, ne veut pas simplement publier des intégrales sans saveur. Non ! Il veut avant tout montrer le talent des auteurs, valoriser leurs premiers pas, mettre en exergue leur progression et l’aboutissement de leur oeuvre. Pour cela, il passe un temps considérable à leurs côtés, discute avec leur entourage, collecte des dessins inédits et négocie même la publication de dessins ou de planches que les auteurs jugent comme mauvaises. Un véritable travail de fourmi qui trouve sa conclusion dans des éditions devenues cultes aujourd’hui.
Le travail des auteurs est véritablement mis en valeur. Les albums sont intégrés dans des reliures en Reluskin (imitation cuir) avec des personnages en relief et des encadrements dorés. Les fans sont aux anges et découvrent les trésors de leurs auteurs fétiches.
Il faut se remettre dans le contexte de l’époque : fin des années 70, début des années 80, la bande dessinée n’est pas encore considérée comme le 9ème art qu’elle est aujourd’hui, le festival d’Angoulême commence seulement à s’imposer et le grand public regarde la BD comme un loisir sympathique pour les enfants. Les adultes qui avouent lire des BD passent pour des ados attardés. "Les petits Mickeys, ce n’est pas de la littérature !"
Dès lors, on mesure l’incroyable travail de précurseur réalisé par Henri Kaufman : donner ses lettres de noblesse à la BD à travers des éditions destinées à un public d’initiés.
En 1988, malheureusement les choses se gâtent : l’ogre Hachette rachète les éditions Rombaldi et absorbe progressivement les intégrales sous son giron… et sous son nom. Le nom Rombaldi disparaît complètement dans les années 90 mais les passionnés parlent alors d’albums "comme Rombaldi" dès qu’une édition de luxe est mise sur le marché.
Ce qui faisait le charme des éditions Rombaldi disparaît peu à peu : qualité en baisse, peu de considération pour la mise en valeur du travail des auteurs… Les albums sont compilés sans plus de formalisme, ni les à-côtés qui faisaient le sel des albums Rombaldi.
Mais revenons au sujet qui nous intéresse : André Franquin ! Avec la gentillesse qu’on lui connaît, il se prêtera au jeu et livrera les clés de son atelier pour qu’Henri Kaufman trouve son bonheur. Il donnera des conseils pour la mise en page et donnera pas mal de contenus inédits à l’époque en album. Le fidèle Yvan Delporte apportera également son aide et réalisera de nombreuses préfaces et interviews de Franquin.
Au final, les albums de Gaston Lagaffe, de Spirou et Fantasio, du Marsupilami et des Idées Noires resteront longtemps comme les éditions de référence. Ce n’est que plus de trente ans après que les éditeurs se pencheront sur ce génie de la bande dessinée et rééditeront méthodiquement son oeuvre.