"Les guitaristes qui prétendent jouer comme Django sont des imposteurs. Nous ne jouons pas du Django. Nous jouons pour Django" Elios Ferré
À Paris en 1943 sous l’Occupation, le musicien Django Reinhardt est au sommet de son art. Guitariste génial et insouciant, au swing aérien, il triomphe dans les grandes salles de spectacle alors qu’en Europe ses frères Tsiganes sont persécutés. Ses affaires se gâtent lorsque la propagande nazie veut l’envoyer jouer en Allemagne pour une série de concerts...
Dire que Django Reinhardt aura marqué l’histoire du jazz et de la guitare est un euphémisme. Musicien libre aux semelles de vent, il n’aura pas inventé le jazz manouche mais il aura permis de le célébrer et de le rendre universel. L’histoire de Django Reinhardt, c’est également l’histoire du peuple tzigane, de son âme. C’est l’histoire du Paris de l’entre-deux-guerres, de la guerre et de l’extermination des juifs et des gitans. C’est le destin qui chamboule tout une nuit d’octobre 1928 et qui transformera une éblouissante virtuosité en légende. Mais aussi, ce même destin qui permettra à ce doux fauve comme le surnommait Cocteau, lui, issu des terrains vagues de la Zone Parisienne, de conquérir avec sa guitare les plus grandes scènes du monde entier, de l’Olympia au Palladium de Londres, et de la salle Pleyel au Carnegie Hall de New York.
Django Reinhardt, c’est le jazz manouche, une musique qui parle à tout le monde, musique trans-générationnelle. Une musique physique, pleine de plaisir et d’émotion, de transmission orale, avec l’importance naturellement des mélodies mais également des descentes de basses en accords, de la pompe (L'accompagnement), du sweeping, du -V-V-, l’importance des accords de sixième et de neuvième, etc. Il faudra absolument se plonger dans l’incroyable intégrale réunie chez Frémeaux et associés par le musicologue Daniel Nevers.
Le film d’Etienne Comar avec Reda Kateb et Cécile de France évoque la période de l’occupation, alors que Django Reinhardt est en pleine ascension, notamment grâce au quintette du Hot Club de France avec Stéphane Grappelli, la tentative de Django de fuir et de passer clandestinement en Suisse…
Une atmosphère que l’on retrouve dans ce disque grâce à la musique de Warren Ellis (musicien compositeur australien membre de Dirty Three, Nick Cave and the Bad Seeds. Il a composé plusieurs bandes originales de films comme L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford d’Andrew Dominik, La Route de John Hillcoat, Loin des hommes de David Oelhoffen) mais surtout par les interprétations ("Vendredi 13", "Nuages", "Blues Clair", "Minor Swing", "Tears", "Belleville"…) et les morceaux originaux du Rosenberg Trio (Stochelo Rosenberg : guitare lead, Nous’che Rosenberg : guitare rythmique, Nonnie Rosenberg : contrebasse), sûrement l’une des meilleures formations du genre. Le trio étant considéré comme une sorte de quintessence du jazz manouche.
A ne pas rater donc, et une pensée pour lui, là-bas, dans les nuages…