Cet album est le fruit d’un repli, d’un exil de la société dans un appartement. L’ermite en question est Julien Bouchard, il a choisi de passer ces moments hors du temps à tirer de la musique de son esprit (et de ses instruments of course). L’histoire ne précise pas combien de temps il lui a fallu pour en sortir et au fond, on s’en tape les pointes sèches, le résultat est bien plus alléchant : 11 titres intitulés Songs from la chambre.

Aérienne et colorée, la musique est directement inspirée des bohémiens des cocotiers, ceux qui se déchaussent pour escalader les façades de double vitrage, afin d’avoir le monde à leurs pieds. Un peu de français, beaucoup d’anglais, les chants sont une invitation à la balade à dos de mule espagnole. Lentes et longues, les introductions se tissent de rayons de miel et coulent en un délicieux nectar au creux de vos oreilles alanguies.

Songs from la chambre parle d’amour volé ("Stolen love") et d’éloignement non thérapeutique ("Si loin de toi"), il exploite les facettes de la cuisine réunionnaise. Des épices et de la douceur. "Je n’ai rien fait, je n’ai rien vécu, je n’ai rien dit, je n’ai rien entendu, c’est 100 regrets bien entendu" ("100 regrets").

Premier du bonhomme, cet album ne vole pas son auditeur. Juien Bouchard a multiplié les instruments, façonnant de ses notes un paysage musical riche et éclectique. Issu des grandes familles de l’aristocratie pop, il en garde cette acoustique propre et les arrangements irréprochables. Transfusé avec la passion des compositeurs humanistes, il explore absolument tout le nuancier de la palette, des couleurs de l’orage à l’aveuglement des premiers rayons.

Dans cet album, vous trouverez des répliques et des suppliques pour mafieux trompé et des balades sur des sentiers où les odeurs de la forêt vous parviennent furtivement. Vous aurez peur de votre ombre dans le soir et vous vous émerveillerez de la saveur si subtile d’une pomme cueillie à même l’arbre. Cet album vous fera passer l’envie de manger du soja et vous réconciliera avec les bons gros steaks de viande qui grésillent avec les patates dans l’huile réconfortante.

Songs from la chambre est habité de dizaines de personnages, correspondant aux multiples facettes des émotions, pas forcément compréhensibles. L’important est de ressentir. Ecrit dans la solitude, l’album tend vers l’universel, il accompagne les foules et les ermites dans leurs expériences mystiques ou pendant leurs courses au supermarché. Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. Un album qui donne le goût de la contemplation et des envies de chocolat.