Rock'n'Roll Consciousness
(Caroline Records) avril 2017
Peut-on dépasser, transcender une écriture musicale devenue presque canon du genre que l’on a soit même ou presque crée ? Naturellement et l’Histoire de la musique est pleine de ces compositeurs qui ont façonné leur propre style pour en faire une presque règle esthétique.
Comment garder la flamme intacte quand de l’avant-garde on est passé à une légende du rock underground et que les plus belles heures semblent être derrière soit ? La réponse pour Thurston Moore est peut-être de continuer inlassablement de faire une musique érudite et réfléchie évoquant des sentiments contrastés entre noirceur, lyrisme et rêverie. Arriver à se réinventer sans ne changer réellement ni de grammaire ni de vocabulaire est un sacré challenge.
Bien que The Best Day sorti en 2014 se tenait plus que correctement, ce Rock’n’Roll Consciousness est peut-être son meilleur album depuis des lustres, depuis au moins la période Sonic Youth et la paire NYC Ghosts and Flowers et Murray Street... il y a 15 ans. Thurston Moore dessine les contours mouvants d’un paysage musical, tout à la fois libre, aérien ou sauvage à coups de guitares presque progressives, par moins de Krautrock ou de dissonances, par une fluidité mélodique, une phraséologie musicale personnelle (on reconnaît immédiatement sa pate sonore, cette voix, certaines suites harmoniques, ces mélodies vocales et son phrasé), par un son plus rond et chaleureux, par une musique caractérisée par une grande densité de timbres et par un folk électrique et intense dont Neil Young ou Kurt Vile pourraient être les chantres.
Et si parfois la machine tourne un peu en rond ("Cusp" ou "Smoke of Dreams") avec une trame mélodique et rythmique rabâchée depuis des lustres à l’époque de Sonic Youth, c’est, comme dans les titres "Turn On", "Aphrodite" ou "Exalted", quand il laisse le temps s’étirer, entre cavalcades et passages plus atmosphériques ou méditatifs (le bouddhisme n’y est pas pour rien…) qu’il est le meilleur.
Un disque plus "pop", toute proportion gardée, moins noise, la présence de Paul Epworth (Adèle, The Pop Group…) à la réalisation et le choix de son studio dans une église y étant sûrement pour quelque chose. Ici la créativité, la conscience, devient un contre-pouvoir à la pensée unique et à l’ultra-libéralisme, une sorte de remède à la crise où la Femme se trouve presque au centre des textes (trois des cinq titres ont été écrits par Radieux Radio). Un calme tout relatif où le grondement n’est jamais très loin, moins direct mais peut-être simplement plus porteur d’émotions contrastées.
Bien heureux soient les enfants en vacances, pour les autres il y a quand même de quoi se divertir encore cette semaine avec notre sélection culturelle. Et toujours Le replay de la MAG#91 disponible en attendant la #92 le 8/11...Pensez aussi à nous suivre sur nos réseaux sociaux.